Cette publication provient du site du syndicat de salariés FO.
Depuis le 1er janvier 2017, les dispositions issues de la loi Rebsamen n°2015-994 du 17 août 2015 sont applicables pour les élections professionnelles. En pratique, ces dispositions censées favoriser la parité présentent un caractère contraignant, ce qui risque de générer plus de difficultés (notamment pour la constitution des listes électorales) que de bénéfices [1]. Tour d’horizon.
En quoi consistent ces nouvelles dispositions ?
Avant l’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions, les négociateurs du protocole préélectoral avaient une obligation de moyens pour parvenir à une représentation équilibrée. En clair, ils devaient seulement examiner lors de la négociation du protocole préélectoral les voies et moyens permettant d’atteindre cet équilibre sur les listes de candidature. Aucune sanction n’était prévue.
Désormais, c’est une obligation de résultat qui s’impose aux organisations syndicales.
Dès lors qu’elles comportent plusieurs candidats [2], l’article L. 2324-22-1 al. 1er du code du travail énonce que les listes de candidatures doivent être composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale et correspondant au collège concerné.
Si ce calcul n’aboutit pas à un nombre entier de candidats, il y a lieu de l’arrondir :
– à l’entier supérieur si la décimale est supérieure ou égale à 5 (ex : 1.6 = 2).
– à l’entier inférieur s’il est inférieur à 5 (ex : 1.4 = 1).
De surcroît, les listes doivent alterner un candidat de chaque sexe jusqu’à épuisement des candidats de l’un des deux sexes.
En clair, cela signifie qu’après épuisement des candidats de l’un des deux sexes, la liste sera complétée avec les candidats de l’autre sexe. En cas de nombre impair de sièges à pourvoir et de stricte égalité entre les hommes et les femmes, la liste pourra indifféremment comporter un homme ou une femme supplémentaire. À partir du moment où la liste respecte la parité, il importe peu de mettre en tête de liste un homme ou une femme.
Quelles informations concernant l’établissement des listes ?
La répartition du personnel entre les collèges électoraux doit faire l’objet d’un accord ou, à défaut, être effectuée par l’autorité administrative (art. L 2314-11 et L 2324-13 du code du travail).
Cet accord (s’il est conclu) mentionne la part de femmes et d’hommes composant chacun des collèges qu’il aura déterminés.
Il appartient à l’employeur d’informer les salariés de la part de femmes et d’hommes composant chaque collège.
Quelles élections sont concernées ?
La loi vise expressément les élections de délégués du personnel et du comité d’entreprise. Rien n’est prévu pour le CHSCT qui n’a pas à respecter ces obligations.
Cas pratique : illustrons ces règles par un exemple concret.
Election CE/2e collège 58 salariés inscrits sur la liste électorale dont 18 femmes et 40 hommes Nombre de sièges à pourvoir 3 (3 titulaires et 3 suppléants).
Il existe deux possibilités de calcul :
La délégation unique du personnel (regroupement du CE, des DP et du CHSCT dans les entreprises de moins de 300 salariés) est également concernée puisqu’elle est élue selon les règles applicables au CE.
Ces règles s’appliquent aussi en cas de délégation unique du personnel conventionnelle (regroupement des instances représentatives du personnel par accord collectif dans les entreprises d’au moins 300 salariés).
Les dispositions relatives à la représentation équilibrée entre femmes et hommes sont applicables aux listes de titulaires et de suppléants et valent pour chaque collège électoral. Elles concernent les deux tours des élections. Chaque liste doit respecter ces obligations.
Quelles sanctions en cas de non-respect de ces dispositions ?
Les contestations relatives à l’électorat, à la composition des listes de candidats sont de la compétence du juge judiciaire (Art L. 2324-23 code du travail).
Lorsque le juge constate, après l’élection, que la proportionnalité n’a pas été respectée, l’élection des élus du sexe sur-représenté en surnombre sur la liste de candidats « au regard de la part des femmes et des hommes que celle-ci devait respecter » doit être annulée.
Cette annulation se fait suivant l’ordre inverse de la liste des candidats (Art L. 2324-23 code du travail).
Par ailleurs, si le juge constate après l’élection que l’alternance n’a pas été respectée, il annulera l’élection du ou des élus dont le positionnement sur la liste ne respecte pas cette obligation.
Ces sanctions sont cumulables.
En effet, ce texte contribue, dans de très nombreuses hypothèses, à exclure les femmes du processus électoral au sein de l’entreprise. Ainsi, dans toutes les entreprises et secteurs d’activité où la proportion des femmes dans les effectifs n’est pas suffisante (ex : industrie, construction…), ces dernières ne pourront pas accéder aux fonctions de représentantes élues du personnel. Cela est d’autant plus grave que les femmes sont dans l’impossibilité de se porter candidates au sein du premier collège électoral (ouvriers/ employés), collège où elles sont plus nombreuses. L’impossibilité de participer aux élections professionnelles entravera la possibilité pour elles d’accéder à des fonctions et responsabilités syndicales au sein de l’entreprise.
Il appartenait au législateur de définir des mesures permettant aux femmes – dans le respect du principe de parité et de proportionnalité – de pouvoir se présenter et se porter candidates à l’occasion des élections professionnelles et ce, quand bien même les effectifs féminins au sein de l’entreprise ne sont pas suffisants.
Ce texte porte atteinte à l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen relatif à l’égalité devant le suffrage et de liberté pour tout travailleur, ainsi qu’à l’alinéa 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui prévoit que tout travailleur participe par l’intermédiaire de ses représentants à la détermination collective des conditions de travail. Nous saurons prochainement si cette question prioritaire de constitutionnalité (QPC) est transmise au Conseil Constitutionnel.