Cette publication provient du site du syndicat de salariés FO
Le gouvernement souhaite développer la « contractualisation » de l’emploi public. Le recours aux contractuels serait-il donc exceptionnel à l’heure actuelle ? Les statistiques officielles livrent une autre réalité. Aujourd’hui plus d’un agent public sur cinq est un non titulaire.
Le 1er février dernier, le gouvernement a annoncé ses premiers projets de réformes pour la fonction publique et a fait part notamment de sa volonté de développer la « contractualisation » de l’emploi public. Sept syndicats de fonctionnaires, dont FO, appellent à une grève le 22 mars. Ils s’opposent entre autres à un accroissement des emplois contractuels.
Mais quelle est actuellement la part de ce type d’emplois au sein des trois versants (État, hospitalière, territoriale) de la fonction publique ? Qui sont ces agents non titulaires, sans statut, recrutés sous CDD ou CDI ? Où en sont les plans de résorption de l’emploi précaire ?
Alors que par son projet portant sur le développement des emplois contractuels, le gouvernement laisse à penser que le recours à de tels emplois procèderait encore de l’exception dans la fonction publique, les chiffres émanant de rapports ministériels apportent un autre éclairage. Ainsi, publié en novembre dernier, le rapport annuel pour 2017 sur l’état de la fonction publique indique que l’effectif des contractuels s’établissait sur 2015 à 1,28 million (en nombre d’agents ayant occupé au moins un emploi de contractuel non annexe dans l’année, hors bénéficiaires de contrats aidés).
Si cet effectif a légèrement reculé depuis 2013 il reste toutefois encore très important. Ces contractuels représentent en effet 21,7% de l’effectif total de la fonction publique laquelle compte 5,45 millions d’agents. Concrètement, plus d’un agent sur cinq est ainsi un non-titulaire. Ces agents dits contractuels représentent une proportion importante des effectifs de l’ensemble de la fonction publique
indique lui-même le rapport.
Tendance générale à la hausse
En 2015 on comptait ainsi 495 100 contractuels à l’État soit 19,2% de l’effectif total. On recensait 516 217 contractuels au sein de la territoriale soit 24,8% de l’effectif total. Plus simplement, près d’un quart des effectifs. Enfin on comptait 269 608 contractuels dans le versant hospitalier, soit 21,4% des effectifs.
En termes de tendance ? Entre 2005 et 2015 indique encore ce bilan, la part des contractuels dans la fonction publique a augmenté de 2,9 points. L’augmentation du nombre de ces emplois est particulièrement notable à l’État. La part des contractuels a ainsi progressé de 4,4 points en dix ans. Au sein du versant hospitalier la part de ces emplois a augmenté nettement aussi : +3,9 points sur la période. Seul le versant territorial affiche un léger recul : -0,8 point en dix ans.
À chaque catégorie ses contractuels
Qui sont les contractuels ? 65,4% de cette population sont des femmes. Près de 56,9% des contractuels ont entre 30 ans et 59 ans dont 33,5% entre 40 et 59 ans. En terme de catégorie hiérarchique, 20,6% des contractuels occupent un poste relevant de la catégorie A (la plus élevée, celle des cadres), 19,7% un poste de catégorie B (intermédiaire) et 53,8% un poste de catégorie C (la plus basse). 5,9% n’entrent dans aucune de ces catégories.
Dans le détail… Les contractuels sont particulièrement représentés au sein de la catégorie A à l’État. Dans ce versant de la fonction publique 32,6% des emplois de contractuels relèvent de la catégorie A. Les contractuels relevant d’emplois de catégorie C représentent eux les gros bataillons des agents précaires au sein du versant hospitalier et de la territoriale.
Dans l’hospitalière, 64,4% des contractuels relèvent en effet de la catégorie C. Ils sont 72,8% au sein du versant territorial.
Quel est le temps de travail d’un contractuel ? Sur l’ensemble de la fonction publique, seulement 8,9% de contractuels occupent un emploi à temps partiel avec un temps de travail inférieur à un mi-temps. 28,5% des contractuels occupent un emploi avec un temps de travail supérieur ou égal à un mi-temps. Les agents à temps partiel et les jeunes sont légèrement surreprésentés dans la classe des contrats courts tandis que le parcours contrats renouvelés ou en CDI concerne moins souvent les plus jeunes, surtout dans la fonction publique territoriale
indique le rapport.
Enfin 62,5% des contractuels occupent un emploi à temps complet.
Contrats courts, contrats longs…
Dans la fonction publique, explique le rapport sur la base d’une enquête Emploi de l’Insee 68 % des contractuels en CDD ont un contrat d’une durée inférieure à un an
. Par ailleurs, de 2013 à 2015, 45 % des contractuels ont eu un CDI (contrat à durée indéterminée), 55 % un CDD (contrat à durée déterminée).
Quelle est la nature du contrat des contractuels ? Dans leur grande majorité, ces agents disposent d’un contrat de droit public lequel fixe leurs droits et leurs obligations. Le règlement des litiges avec l’employeur est alors du domaine du tribunal administratif.
Certains contrats, très peu, sont de droit privé lorsque l’employeur dispose du droit à recourir à ce type de contrats. C’est le cas par exemple des établissements ou organismes publics administratifs. En général les contrats de droit privé sont des contrats aidés, par exemple de type Pacte (parcours d’accès aux carrières de la fonction publique territoriale, hospitalière et d’État) ou contrats d’avenir. En 2015 on recensait 198 000 contrats aidés dans l’ensemble de la fonction publique.
Administratifs, infirmiers, agents techniques… Précaires
Selon le rapport parmi les contractuels entrés dans la fonction publique en 2011, seuls 6,5 % sont recrutés directement en CDI dans la territoriale et 11,1% dans l’hospitalière
. Le rapport précise.
Au sein du versant territorial les agents embauchés directement en CDI sont plus nombreux dans les filières administratives et techniques. Ils représentent respectivement 18,7 % et 39,9 % de l’effectif total des agents en CDI
.
Dans l’hospitalière les entrants contractuels directement recrutés en CDI sont largement majoritaires dans la filière soignante. Ils représentent 7 agents sur 10 parmi les contractuels entrants en CDI dans ce versant. Il s’agit principalement d’infirmiers, d’aides soignants et d’agents de service hospitaliers
.
Le rapport note encore que la fonction publique de l’État se distingue elle par une spécificité
: le recours massif aux contrats à durée déterminée longs et non renouvelés…
Tel le serpent qui se mord la queue…
Dans quels cas les administrations ont-t-elles le droit de recourir à un agent contractuel ? Certes la loi du 3 juillet 1983 dans son titre I (portant sur le statut général des fonctionnaires de l’État et des collectivités territoriales) pose le principe de l’occupation des emplois civils permanents par des fonctionnaires, soit des agents titularisés dans la hiérarchie des grades. Un principe que les fonctionnaires rappellent souvent…
Cependant les lois du 26 janvier 1984 et du 9 janvier 1986 ont conduit à autoriser dans l’hospitalière et la territoriale, via dérogation, le recrutement d’agents non titulaires sur des CDD d’une durée maximale de trois années. Ces contrats sont renouvelables une fois. A l’issue de deux contrats successifs d’une durée totale de six ans maximum, la reconduction se fait cette fois sous CDI. Depuis ces années différents textes sont venus préciser les conditions d’emplois des agents contractuels… Reste qu’ils demeurent des contractuels.
Sur interventions des syndicats, des fonctionnaires FO notamment, les pouvoirs publics ont été amenés à mettre en place des systèmes susceptibles de résorber l’emploi précaire dans la fonction publique. C’est le cas du dispositif Sauvadet traduit à travers la loi du 13 mars 2012 relative notamment à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels
.
Le dispositif visant à résorber l’emploi précaire a récemment été reconduit jusqu’en 2020 (via une ordonnance d’avril 2017). Peut-on tirer un bilan chiffré de ce dispositif ? Difficile explique pour FO, Olivier Buis pour les fonctionnaires FO. Au début de la mise en place du dispositif, en 2012-2013, le gouvernement de l’époque semblait chiffrer à 40 000 le nombre de contractuels éligibles à une titularisation. Mais tous n’ont pas été titularisés et de nouveaux contractuels sont arrivés dans la fonction publique augmentant encore l’effectif des agents non titulaires constate FO.
Une fragilisation de l’édifice statutaire des emplois publics
Plus largement explique le secrétaire fédéral de la fédération générale des fonctionnaires FO (FGF-FO) toutes les prolongations du dispositif et toutes les nouvelles règles émises ne peuvent résoudre le problème de l’emploi précaire dans la fonction publique
. Pour venir à bout de ce problème insiste Olivier Buis il faut prendre le mal à la racine
. Concrètement créer des emplois publics autrement dit les postes statutaires nécessaires à la réalisation des missions publiques. Cela doit passer notamment par l’ouverture de concours, internes et externes
. Or, c’est là que le bât blesse.
Au lieu de programmer la création d’emplois publics, le gouvernement programme la suppression de 120 000 postes de fonctionnaires. Cela au nom d’économies à réaliser
sur la sphère publique s’indigne le militant. Dès lors, explique Olivier Buis, l’emploi précaire -qui non seulement n’a pas diminué au fil des années mais à même tendance à augmenter- ne peut être que difficile à résorber
. Or l’augmentation du nombre de contractuels fragilise l’édifice statutaire des emplois publics
.
Alors que beaucoup de contractuels aimeraient bien sûr intégrer la fonction publique, le nombre insuffisant d’emplois publics statutaires met de plus en plus souvent arrêt à ces souhaits. Au sein des trois versants de la fonction publique, un contractuel en CDD peut certes être éligible, sous conditions, à un poste de titulaire. Un contractuel en CDI est aussi éligible. Mais… En ne créant pas de l’emploi public et en n’ouvrant pas de concours de recrutement, l’administration dit en quelque sorte à ces contractuels : vous êtes éligibles mais il n’y a pas de postes statutaires
s’insurge Olivier Buis.