Faut-il indiquer le délai de dénonciation dans le solde de tout compte ?

Cet article provient du site du syndicat de salariés CFDT.

 

Pour la première fois depuis la loi du 25 juin 2008(1), la Cour de cassation se prononce sur le caractère obligatoire ou non de la mention du délai de dénonciation sur le reçu pour solde de tout compte. Selon elle, dès lors que le reçu n’a pas été dénoncé dans les 6 mois, il est libératoire pour l’employeur, peu important que le délai de contestation n’y soit pas indiqué. Cass.soc. 04.11.15, n° 14-10657. 

Aux termes de l’article L. 1234-20 du Code du travail, à l’occasion de la rupture d’un contrat de travail, l’employeur doit établir et remettre au salarié un solde de tout compte qui fait l’inventaire des sommes qu’il lui verse lors de la rupture (2). Le reçu peut être dénoncé dans les 6 mois qui suivent sa signature. Passé ce délai, le salarié ne peut plus contester les sommes qui y sont inscrites. On dit que le reçu devient libératoire pour l’employeur. 

 

Les faits  

Suite à sa démission un salarié signe le 29 juillet 2010 son reçu pour solde de tout compte pour une somme versée au titre de salaires, accessoires et diverses indemnités. Le 4 février 2011, il saisit la juridiction prud’homale afin de réclamer un rappel d’heures supplémentaires ainsi que diverses primes. Pour les juges du fond, le délai de 6 mois entre la signature de son reçu pour solde de tout compte et la contestation étant dépassé, le salarié ne peut plus réclamer ces sommes. Sa demande est irrecevable. Le salarié se pourvoit en cassation. Pour lui, dès lors que le reçu pour solde de tout compte ne fait pas mention du délai de 6 mois, ce délai ne peut lui être opposé. Par ailleurs, les sommes qu’il réclame sont bien distinctes des sommes portées au reçu. 

La question posée à la Cour de cassation était la suivante : l’expiration du délai de 6 mois peut-il être libératoire pour l’employeur si celui-ci ne l’a pas mentionné sur le solde de tout compte ? 

Reprenant les dispositions légales, elle rappelle que celles-ci « ne prévoient pas l’obligation pour l’employeur de mentionner sur le reçu pour solde de tout compte le délai de six mois pour le dénoncer ». Suivant l’analyse de la Cour d’appel, les Hauts magistrats rejettent ainsi la demande du salarié. Le délai de contestation étant expiré, l’employeur est libéré de ses dettes à l’égard du salarié. 

 

L’effet libératoire du reçu pour solde de tout compte… 

Fort est de constater que la valeur du reçu pour solde de tout compte a connu ces dernières années des variantes pour le moins opposées. Avant 2002, un reçu pour solde de tout compte était libératoire pour l’employeur si le salarié n’avait pas contesté dans les deux mois et sous réserve que la mention de ce délai soit expressément portée au document. Puis, en 2002(2), le reçu pour solde de tout compte n’a plus eu qu’une valeur informative quant aux sommes qui y étaient indiquées (3). Dans un souci de sécurisation de la rupture du contrat de travail, la loi du 25 juin 2008 a modifié l’article L. 1234-20 et réhabilité l’effet libératoire pour l’employeur : elle accorde six mois au salarié à compter de sa signature pour contester le montant qui y est porté, au-delà de ce délai, l’employeur est libéré de ses dettes mais seulement pour les sommes qui y sont portées. Le salarié peut toujours réclamer les sommes dues qui n’y figurent pas. 

En l’espèce, le salarié considère que « la renonciation à un droit ou une action doit, pour être utilement opposée par celui qui s’en prévaut, être certaine, expresse et non équivoque ». Dans la mesure où son reçu ne faisait aucunement référence à la durée pendant laquelle il pouvait le contester, aucun délai ne pouvait lui être opposé et l’employeur restait redevable. 

 

… ne suppose pas l’indication du délai de dénonciation… 

Le raisonnement de la Cour de cassation est tout autre : les dispositions du Code du travail ne prévoient pas l’obligation pour l’employeur de mentionner ce délai sur le reçu pour solde de tout compte. Ce délai s’oppose donc au salarié, quand bien même aucune référence n’y serait faite sur le reçu. Une fois expiré, le salarié ne peut donc plus contester les sommes qui y sont listées. 

Pour être valable, un reçu pour solde de tout compte doit remplir certaines conditions : être établi en double exemplaire, préciser qu’il s’agit d’un reçu pour solde de tout compte, faire l’inventaire des sommes versées au salariés. La loi de 2008, qui pourtant, redonne au reçu une valeur libératoire pour l’employeur, ne fait pas de l’indication du délai de dénonciation une mention obligatoire, comme c’était le cas avant 2002. 

 

… mais ne vaut que pour les sommes qui y sont mentionnées. 

Le reçu pour solde de tout compte doit faire l’inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail et lister précisément les différents éléments de rémunération et d’indemnités versés. Ce descriptif détaillé est d’autant plus substantiel que l’effet libératoire pour l’employeur ne vaut que pour les sommes qui y sont mentionnées. Dans l’affaire, le salarié avance que le reçu ne précisait pas à quelles prestations ou à quelle période d’exécution du contrat correspondaient les sommes qu’il mentionnait, ce qui ne permettait pas de considérer que ses réclamations coïncidaient avec les sommes portées au reçu. En vain, car la cour d’appel suivie par la Cour de cassation a considéré que les différents chefs de demande du salarié correspondaient tous aux différentes rubriques du reçu pour solde de tout compte, de sorte que la forclusion était acquise. 

Cette décision est bien regrettable pour le salarié qui n’a finalement aucun moyen d’être informé du délai dont il dispose pour contester les sommes qu’il a perçues. La précision semble pourtant essentielle au regard des effets de sa signature du solde de tout compte. Si l’employeur est définitivement libéré de ses dettes, les sommes qui ne peuvent ainsi plus être réclamées correspondent à une prestation de travail qui a, elle, pourtant bien été exécutée.  

 

 

 

(1) Loi de modernisation du marché du travail n° 2008-596 du 25.06.08. 

(2) Art. L. 1234-20 C. trav. 

(3) Loi de modernisation sociale n°2002-73 du 17.01.02. 

(4) Autrement dit, en le signant, le salarié attestait simplement avoir reçu les sommes qui y figuraient, et rien ne l’empêchait par la suite de les contester. 

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