Jeudi dernier, nous faisions état de la décision du Medef de torpiller définitivement la “concertation” sur l’apprentissage. Dans la foulée, Pierre Gattaz s’en est pris à une autre négociation interprofessionnelle, sur la formation professionnelle, annulant la séance de discussion prévue le lendemain, vendredi. L’attitude de Pierre Gattaz est si offensive qu’elle finit par en apparaître fébrile.
“Un billard à trois bandes”
Mécontent de la manière dont l’éxecutif aurait réintroduit les régions dans le schéma d’organisation de l’apprentissage, Pierre Gattaz ne s’est donc pas contenté de mettre à mal la concertation relative à l’apprentissage. Alors même que les partenaires sociaux ont très peu de temps pour aboutir à un accord sur la formation professionnelle, il a également pris la responsabilité d’annuler la séance de négociation paritaire prévue vendredi dernier dans ce domaine. Le président du Medef établit un lien explicite entre les deux discussions, puisque dans un courrier à l’AFP, l’organisation patronale a assuré que cette annulation avait été décidée “dans l’attente de précisions” du gouvernement “sur la nature des engagements” pris vis-à-vis des régions sur l’apprentissage.
Les représentants des salariés n’ont, évidemment, guère apprécié l’annulation de la séance de négociation. Catherine Perret, pour la CGT, a ainsi dénoncé la situation de blocage dans laquelle se trouve l’Etat et les partenaires sociaux, au titre que les salariés en sont les victimes : “On a l’impression qu’un billard à trois bandes est en train de se jouer entre le Medef, l’État et les régions. Et les oubliés, ce sont les salariés”. Estimant également qu’il est “hors de question de tomber dans une situation de blocage”, Yvan Ricordeau, responsable de la CFDT, a en outre appelé Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, à organiser une discussion “quadripartite” : Etat, régions, représentants patronaux et salariaux, afin de permettre à tous de mettre plat leurs différends.
Le navire Medef tangue
Côté patronal, les critiques de fond formulées par le président du Medef à l’encontre de la volonté gouvernementale de maintenir les régions dans la boucle de l’apprentissage, ont été soutenues à la fois par la CPME et par l’U2P. En revanche, sur la forme, cette dernière fait savoir qu’elle “regrette” le gel de la négociation formation imposé par le Medef et semble estimer que M. Gattaz a perdu son sang froid : “Interrompre les discussions sur une réforme d’une telle importance n’est pas à la hauteur des enjeux” affirme en effet l’organisation patronale de l’artisanat, des commerçants et des professions libérales. En recourant à la méthode forte, Pierre Gattaz ferait-il en réalité plus preuve de fébrilité que de capacité à tenir tête au Président de la République ?
Mis à mal par une campagne présidentielle interne complexe, où, comme à l’accoutumée, les principales fédérations qui composent le Medef jouent leur propre partition, Pierre Gattaz doit pourtant dégager des points d’accord entre ces fédérations afin de définir la position du patronat dans le cadre des négociations chômage, formation et apprentissage actuellement en cours. Ne pouvant pas compter sur une unité patronale interne pour contrer les projets des pouvoirs publics, Pierre Gattaz a pu préférer temporiser en gelant les négociations en cours. Va-t-il d’ailleurs remettre en cause la négociation chômage, menée par Alexandre Saubot, candidat pressenti de l’UIMM à la présidence du Medef ? La crise qui couve au sein du patronat deviendrait alors une crise ouverte.