Edmond Maire, secrétaire général de la CFDT de 1971 à 1988, est mort hier matin, à l’âge de 86 ans. Il a été l’un des dirigeants syndicaux les plus importants de la seconde moitié du XXème siècle.
De la CFTC au gauchisme
Né en 1931 dans une famille catholique, c’est à la CFTC qu’Edmond Maire s’engage dès le milieu des années 1950, alors qu’il est salarié dans la chimie – il travaille notamment chez Péchiney. Très investi dans le syndicalisme, il devient rapidement, dès 1958, à l’âge de 27 ans, permanent du syndicat CFTC de la chimie de la région parisienne.
Partisan de la laïcisation de la CFTC, il participe à la scission de 1964, qui donne naissance à la CFDT. Comptant d’emblée parmi les responsables importants de la CFDT, Edmond Maire en vient à en devenir le secrétaire général en 1971. Il n’a alors que 40 ans. Durant les premières années de son mandat, il défend une ligne radicale, faite à la fois d’unité d’action avec la CGT, de promotion de “l’autogestion” : par exemple dans le cas des “Lip”, et de proximité avec les mots d’ordre qui, à l’époque, sont ceux des “gauchistes” : anti-militarisme ou refus du nucléaire, entre autres.
“Deuxième gauche” et “recentrage”
A partir du milieu des années 1970, le positionnement de M. Maire évolue profondément. Devenu membre du Parti Socialiste en 1974, il s’intègre au mouvement dit de la “deuxième gauche”. C’est un proche de Michel Rocard. De fait, le secrétaire général de la CFDT n’est pas un fervent admirateur de l’URSS et de l’idéal communiste et il finit par adopter une attitude critique à l’égard de leurs deux principaux relais en France : le Parti Communiste et la CGT. Pour la CFDT, c’est désormais l’heure du “recentrage”.
Initiée en 1978, cette orientation désigne le virage vers le “réformisme” de la centrale cédétiste. Pour Edmond Maire, l’amélioration réelle de la condition des salariés ne suppose plus de faire le pari de la voie révolutionnaire mais bien plutôt de négocier avec le patronat et le gouvernement des mesures concrètes de “transformation sociale”. Cette redéfinition doctrinale devait durablement marquer l’histoire de la CFDT.
Une orientation structurante
Depuis la fin de années 1970, les dirigeants de la CFDT s’inscrivent dans la conception du syndicalisme promue par Edmond Maire. Jean Kaspar (1988-1992) et Nicole Notat (1992-2002), qu’il avait lui-même adoubés pour lui succéder, puis ensuite François Chérèque (2002-2012) et Laurent Berger (depuis 2012) ont en effet repris à leur compte, et approfondi, l’orientation réformiste souhaitée par M. Maire.
La marque de fabrique cédétiste est d’autant plus crédible socialement qu’elle est personnellement incarnée par les responsables de la CFDT. Comme Edmond Maire : technicien chimiste devenu membre des classes supérieures après la reconversion entrepreuneuriale qu’il a entamée à la fin de son mandat syndical, MM. Kaspar et Chérèque, ainsi que Mme Notat, peuvent témoigner du fait que, pour les dirigeants syndicaux, le parti pris réformiste est aussi, tendanciellement, celui de l’ascension sociale.