Désignation des conseillers prud’hommes : la CFDT décrypte le décret

Cet article provient du site du syndicat CFDT.

 

Le nouveau cadre de désignation des conseillers prud’hommes commence à prendre corps. La phase opérationnelle des désignations approche à grand pas: c’est en mars prochain que le système de recueil des candidatures devrait être ouvert. Après la loi d’habilitation du 18 décembre 2014 et l’ordonnance du 31 mars 2016, voilà établi le versant réglementaire de la réforme, à la construction duquel les partenaires sociaux ont été largement associés par la Direction générale du travail. Décret n° 2016-1359 du 11.10.16 relatif à la désignation des conseillers prud’hommes. 

Nous articulerons la présentation de ce décret autours des six points fondamentaux que nous y avons repérés : La décision d’attribution des sièges, la base sur laquelle l’attribution des sièges sera décidée, les candidatures et leurs remontées, la recevabilité des listes de candidats et des candidatures individuelles, la désignation (en tant que telle) des conseillers prud’hommes et, enfin, les désignations complémentaires. 

  • La décision d’attribution des sièges

Les sièges de conseillers prud’hommes seront attribués aux organisations syndicales et professionnelles par arrêté conjoint du garde des Sceaux et du ministre chargé du Travail. 

Cet arrêté sera publié au Journal officiel et ne pourra pas faire l’objet d’un recours administratif (1). 

Il ne pourra donc être contesté que, directement, devant le juge administratif. 

  • La base sur laquelle l’attribution des sièges sera décidée

Pour le collège salarié, ces sont les suffrages retenus pour la mesure de l’audience syndicale au niveau national interprofessionnel déclinés au niveau des départements et des sections composant les conseils de prud’hommes qui seront pris en compte (2). 

– La répartition des suffrages dans les différentes sections 

Afin de procéder à la déclinaison de ces suffrages par section, il sera fait référence au code IDCC (identifiant des conventions collectives) des entreprises. Pour ce faire, un tableau de correspondance « Code IDCC/ section » sera élaboré (3). Une section échappe cependant à la règle. Il s’agit de la section de l’encadrement qui, par nature, est professionnellement transversale. 

Quelques petites spécificités sont à relever pour les sections agriculture et activités diverses.C’est ainsi que, pour la première, le décret précise qu’il y aura également lieu de prendre en compte« les suffrages exprimés aux élections des membres représentant les salariés de la production agricole aux chambres d’agriculture »(4). 

Tandis que, pour la seconde, il précise que, lorsque l’entreprise n’est dotée d’aucun référent IDCC (à défaut 9999), les suffrages qui en sont issus devront être orientés vers la section activités diverses (5). 

Nous regrettons vivement que le décret ait choisi de retenir cette dernière option dans le sens où elle sera de nature à rapatrier vers la section “activités diverses” des voix qui n’auraient jamais dû l’être et à impacter à la hausse (de manière tout à fait artificielle) son activité future.Et c’est précisément cet écueil que nous avions cherché à éviter en poussant, en groupe de travail, pour une autre solution : Celle qui aurait consisté, dans ce type de cas de figure, à se référer (par défaut) à l’« activité principale » de l’entreprise. A n’en pas douter, cela aurait permis d’établir une correspondance plus sûre entre la voix émise et la section retenue comme compétente. 

– L’orientation des suffrages vers la section « encadrement » 

Afin de procéder à l’orientation des voix des salariés vers la section “encadrement”, le projet de décret ne se réfère pas aux codes IDCC. Ce qui trouve logiquement à s’expliquer de par la transversalité professionnelle de cette dernière. L’option réglementairement retenue consiste à se référer aux résultats obtenus dans les différents collèges électoraux (des élections IRP et du scrutin TPE). En soi, l’option mérite d’être validée. Sauf que le décret prévoit de ne retenir que les résultats issus des collèges « où seuls des personnels relevant de la section encadrement (…) sont amenés à s’exprimer » (6). Ce qui conduit à « perdre » les voix des salariés relevant potentiellement de la section encadrement, mais s’étant exprimés dans un collège mixte « agent de maitrise/ingénieurs/cadres »

Ce choix aura pour conséquence de faire reculer d’un peu plus de 5% le nombre d’électeurs inscrits dans cette section par rapport à celui qui avait été constaté, en 2008, lors de la dernière élection prud’homale. Certes, la solution consistant à retenir y compris les voix des salariés relevant de collèges mixtes n’aurait pas non plus été parfaite puisqu’elle aurait conduit (à l’inverse) à prendre en compte des voix de salariés qui ne relèvent pas de la section encadrement. S’y référer aurait conduit à une augmentation de 12 % du nombre d’inscrits dans la section encadrement par rapport à ce qui avait été constaté en 2008 lors de la dernière élection prud’homale. 

Pour autant, cette dernière option aurait malgré tout eu notre préférence puisqu’elle aurait été, à l’évidence, beaucoup moins excluante. Nous ne pouvons donc que regretter, sur ce point précis, de ne pas avoir pu être entendus. 

– Calcul du nombre de sièges revenant à chaque organisation, conseil par conseil et section par section 

Le décret précise que « les sièges sont attribués proportionnellement aux suffrages obtenus (…) suivant la règle de la plus forte moyenne entre organisations syndicales au sein de chaque section de chaque conseil de prud’hommes » (7)

  • Les candidatures et leurs remontées

– Les conditions à remplir pour être candidat 

L’ordonnance était déjà venue préciser que, pour remplir la condition de capacité, il fallait, soit être conseiller prud’hommes sortant, soit avoir exercé professionnellement pendant au moins deux ans. Le décret, lui, précise que ces deux années d’activité doivent être appréciées « dans les dix ans précédant la candidature »(8). 

Le décret prend également le soin de préciser que les candidatures présentées, pour une même personne, sur plusieurs conseils de prud’hommes, ou sur plusieurs sections, seraient irrecevables (9). 

– Le dépôt de la liste de candidats 

Le décret précise que c’est au mandataire de liste qu’il appartient de déposer la ou les listes de l’organisation pour chaque conseil de prud’hommes du département au titre duquel il est mandaté (10). 

Il précise également que ce dernier doit également : 

– contrôler la liste de candidats et, notamment, vérifier qu’elle ne comprend pas plus de candidats que de sièges obtenus par l’organisation (11) ; 

– attester qu’elle satisfait bien aux obligations de mixité (12) ; 

– notifier à l’employeur les noms des salariés de l’entreprise qu’il entend présenter à la désignation« par tout moyen lui conférant une date certaine » et communiquer, dans le même temps, les informations qui figurent à cette notification à l’inspection du travail (13). 

Le décret précise, par ailleurs, qu’à la liste des candidats, devront être jointes les « déclarations individuelles de candidature de chacun des candidats de la liste » qui permettront de justifier que les conditions de candidatures de chacun des candidats sont bien satisfaites : La nationalité (française), l’âge, les conditions de capacité et de moralité, la détermination du conseil de prud’hommes, du collège et de la section de rattachement (14). 

Le décret précise, enfin, que chaque candidat doit donner mandat « pour être présenté par l’organisation qui le présente » et qu’il doit : 

– déclarer sur l’honneur « n’être l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative à ses droits civiques et ne pas exercer de fonction incompatible avec l’exercice de la fonction de conseiller prud’homme »

– fournir les documents justifiant qu’il satisfait aux conditions visées à la « déclaration individuelle de candidature », à l’exception toutefois du bulletin n° 2 du casier judiciaire (15). 

Quid des changements de situation en cours de mandat ? 

Le décret précise que si, en cours de mandat, un conseiller salarié devient employeur ou un conseiller employeur devient salarié, ceux-ci doivent déclarer leur changement de situation au procureur général près la cour d’appel et au président du conseil de prud’hommes et que cette déclaration « entraîne » leur démission de plein droit (16). 

Le décret précise également qu’à défaut de déclaration, « le procureur général près la cour d’appel saisit la chambre sociale de la cour d’appel laquelle, après avoir invité le membre du conseil en cause à justifier de sa qualité actuelle, prononce, s’il y a lieu, sa démission d’office » (17)

  • La recevabilité des listes de candidats et des candidatures individuelles

Le décret précise que c’est : 

– au ministre chargé du Travail qu’il revient de contrôler les conditions attenantes à la recevabilité des listes de candidats (18) ; 

– au garde des Sceaux et au ministre chargé du travail qu’il revient de contrôler le respect des conditions attenantes aux candidatures individuelles (19). 

  • Les désignations complémentaires des conseillers prud’hommes

Le décret prévoit que, sur proposition du garde des sceaux, « et au moins une fois par an », il sera procédé à des désignations complémentaires. Mais il précise aussi qu’il ne sera pas procédé à des désignations complémentaires l’année précédant la désignation générale des conseillers prud’hommes (1). 

Sur un mandat, il devrait donc y avoir « au moins » trois salves de désignations complémentaires. 

– Comment les vacances de poste seront-elles remontées au garde des Sceaux ? 

Le décret précise que « lorsqu’un siège de conseiller prud’homme devient vacant, pour quelque cause que ce soit, le président ou le vice-président de ce conseil constate la vacance et en informe, dans un délai de huit jours, le procureur général près la cour d’appel » et qu’il appartient ensuite à ce dernier d’en informer sans délai le garde des Sceaux (22). 

Remarque : Le décret précise que l’arrêté qui portera désignation complémentaire de conseillers prud’hommes ne pourra faire l’objet d’un recours administratif. Il ne pourra donc être contesté que, directement, devant le juge administratif. 

Vu la solution que le décret a retenue, nous pouvons tout de même regretter que le rythme du déclenchement des désignations complémentaires ne soit finalement qu’annuel alors qu’il avait été, un temps, envisagé de le faire (sur un rythme de 3 à 4 fois l’année). 

Notons enfin que le décret se clôture sur des dispositions qui ont trait à l’après-désignation (installation, prestation de serment (23)) sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir ultérieurement. 

 

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