Cet article est initialement paru sur le site du syndicat FO.
Après le débat sur le temps de travail, c’est le droit du travail et plus précisément son architecture qui subit une offensive dérégulatrice. Des polémiques de rentrée qui convergent vers une remise en cause des droits des salariés.
L’échec de la politique de l’offre menée par le gouvernement en cette rentrée 2015 est patent : une croissance nulle au deuxième trimestre et plus d’un million de chômeurs (catégories ABC) supplémentaires en trois ans. Pourtant, le ministre de l’Économie préfère polémiquer sur le temps de travail des salariés devant le Medef : « La gauche a longtemps cru que la France pourrait aller mieux en travaillant moins. C’étaient de fausses idées », a expliqué Emmanuel Macron. Une « maladresse » vite démentie par le Premier ministre, assurant qu’aucune « remise en cause du temps légal de travail et des 35 heures » n’était prévue…
En réalité, les employeurs disposent déjà d’un arsenal dérogatoire (voir : « Temps de travail : la législation permet déjà trop de souplesse »). Sans compter l’augmentation de la productivité qui a compensé, pour l’employeur, l’augmentation de la rémunération horaire lors du passage aux 35 heures. Pour Didier Porte, secrétaire confédéral de FO, « le débat posé sur le temps de travail est un faux débat qui dissimule encore une fois la question du coût du travail ».
Les think tank en embuscade
C’est la hiérarchie des normes qui est dans le viseur. Deux rapports ont été publiés la semaine dernière, coup sur coup, traitant de ce sujet. L’un venant du très libéral Institut Montaigne, l’autre de la fondation Terra Nova, présidée par l’ancien secrétaire général de la CFDT. Le premier veut faire des accords d’entreprise la « norme de droit commun » qui s’imposerait aux accords de branche et à la loi, tant sur les motifs de licenciement que sur le nombre d’élus des IRP ou sur le salaire minimum… Le rapport du second think tank prône pour sa part que « l’accord conclu au niveau d’une entreprise ou d’une branche déroge à la loi et au règlement ».
Cerise sur le gâteau, l’Institut Montaigne s’est offert un sondage, publié par Les Échos, qui affirme que sept Français sur dix « sont favorables à de nouveaux assouplissements des 35 heures. À condition que ces dérogations se fassent en « accord avec les salariés ». Le Figaro titrant, à propos de ce sondage, Les Français se disent prêts à renoncer aux 35 heures. Ce que ne disent ni Les Échos ni Le Figaro, c’est que la question posée « Selon vous, faut-il laisser les entreprises fixer librement le temps de travail, en accord avec leurs salariés ? », n’évoque ni les 35 heures, ni la durée légale du travail et se révèle assez éloignée des conclusions qu’ils en tirent.
C’est donc à un travail de préparation des esprits que nous assistons, avec pour objectif la remise en cause du principe de faveur qui devrait se poursuivre, voire s’accentuer, avec la remise des rapports Combrexelle et Mettling. En France comme dans de nombreux autres pays, ce principe reste fondamental pour l’architecture du droit social, sa remise en cause relèverait de la « provocation », a formellement mis en garde Jean-Claude Mailly.