Cet article a été initialement publié sur le site du syndicat : FO
Dans une décision du 25 novembre 2015 (Cass. soc., 25-11-15, n°14-24444, PBRI), la Cour de cassation avait précisé que l’employeur ne méconnait pas son obligation de sécurité s’il justifie avoir pris toutes les mesures de prévention pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Assouplissant son obligation de sécurité de résultat en offrant la possibilité à l’employeur d’échapper à une condamnation malgré la survenance d’un dommage, se posait la question du sort de la jurisprudence du 3 février 2010 édictée en matière de harcèlement moral.
Dans sa décision du 3 février 2010, la Cour de cassation avait jugé que l’employeur, tenu à une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manquait à cette obligation lorsqu’un salarié était victime sur le lieu de travail d’agissements de harcèlement moral exercés par un autre salarié, quand bien même il aurait pris les mesures en vue de les faire cesser (Cass. soc., 3-2-10, n°08-44019).
La jurisprudence du 3 février 2010 sur le harcèlement moral est-elle donc affectée par l’arrêt du 25 novembre 2015 et, dans l’affirmative, dans quelle mesure ?
La Cour de cassation répond à cette interrogation dans un arrêt du 1er juin 2016. Cette décision, qui sera publiée au rapport de la Cour de cassation, reprend une formule assez proche de la décision du 25 novembre 2015.
Les hauts magistrats jugent que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L 4121-1 et L 4121-2 du Code du travail et qui, informé de l’existence des faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser » (Cass. soc., 1-6-16, n°14-19702, PBRI).
Si l’employeur peut s’exonérer d’une condamnation pour harcèlement moral en cas de survenance du dommage, c’est à la double condition :
qu’il ait pris les mesures immédiates propres à faire cesser le harcèlement moral ;
et surtout, qu’il ait pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail et notamment qu’il ait préalablement mis en œuvre des actions d’information et de formation propres à prévenir la survenance des faits de harcèlement moral.
En l’espèce, l’employeur est condamné pour harcèlement moral pour ne pas avoir pris de telles mesures de prévention.
Celui-ci s’était seulement contenté d’introduire dans son règlement intérieur une procédure d’alerte en cas de harcèlement moral.
Cette mesure est jugée insuffisante.
L’obligation de sécurité de résultat se transforme en quelque sorte en obligation de moyens renforcée, l’accent étant mis en priorité sur la prévention (actions d’information et de formation sur la prévention du harcèlement).
Faute de mesures de prévention suffisantes, l’employeur s’expose à une condamnation, quand bien même il aurait fait cesser effectivement le dommage.
Une question demeure après l’arrêt du 1er juin 2016 : quid de la jurisprudence sur la violence entre salariés ?
L’employeur sera-t-il systématiquement reconnu comme ayant manqué à son obligation de sécurité en cas de bagarre entre salariés (Cass. soc., 26-6-16, n°14-15566) ?