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La CGC connaît une crise larvée, moins spectaculaire que la crise de la CGT, mais tout aussi profonde et pénalisante pour l’organisation. Un dernier rebondissement vient de l’illustrer: le bureau de la fédération de l’Energie vient de désavouer la candidature de Carole Couvert à sa propre succession.
La CGC et sa fédération Energie
L’énergie n’est pas la plus importante des fédérations de la confédération. Elle représente moins de 5% des adhérents, loin derrière la Police (le fameux syndicat Alliance) et la métallurgie (dont fut issu le prédécesseur de Carole Couvert, Bernard Van Craeynest). L’arrivée de Carole Couvert à la tête de la confédération fut donc une sorte d’exploit, qui s’était appuyé sur une alliance de circonstance: la fédération banque-assurance avait profité de cette candidature pour contrer celle de Van Craeynest, affaiblie par les affaires internes.
Carole Couvert avait représenté, en 2013, cet espoir d’un renouvellement interne, en rupture avec un management trop peu collégial et un héritage opaque. Avec une présidente âgée d’à peine 40 ans, la CGC s’imaginait tenir une réformatrice capable de donner une autre image du syndicalisme. C’était le pari un peu fou de cette nouvelle direction qui propulsait une candidate issue d’une petite fédération.
L’illusion a probablement consisté, pour Carole Couvert, à croire qu’une petite fédération soutenue par la puissante EDF pourrait être maltraitée une fois le pouvoir pris.
Une gestion des dossiers approximative
Assez rapidement, voire immédiatement, Carole Couvert a déçu. Elle a en effet donné le sentiment d’avoir fait siens les réflexes qu’elle avait dénoncés chez Bernard Van Craeynest. Manque de collégialité, opacité des décisions, solitude du pouvoir ont très vite frappé un entourage qui était pourtant tout acquis à sa cause.
Quelques dossiers ont marqué cette approche peu convaincante.
Carole Couvert avait par exemple fait, assez absurdement, son cheval de bataille du changement de nom de la confédération. A grand renfort de missions de conseil, des études furent menées, une mobilisation exceptionnelle décidée pour cette action emblématique. Trois ans plus tard, la CGC s’appelle toujours CFE-CGC et rien n’est ressorti de ce dossier filandreux conduit avec une énergie de boy-scout.
Des loupés plus gênants ont émaillé ce parcours. En avril 2014, le tribunal de grande instance de Paris a condamné la CGC à réintégrer, pour vice de forme dans la procédure, trois de ses syndicats qui avaient été exclus par Carole Couvert. Il s’agissait de syndicats de professions libérales touchés par des “affaires” et réputés proches de l’opposante Danièle Karniéwicz. Un simple respect des procédures internes aurait pu éviter cette lamentable réintégration.
On évitera ici d’évoquer l’affaire Karniéwicz elle-même. Après une décision en première instance favorable à l’intéressée, accusée d’avoir bénéficié de doubles remboursements de frais, la confédération a décidé de faire appel… Un nouveau procès devrait donner l’occasion de laver le linge sale en public.
Une ligne politique incertaine
Ces désordres internes passeraient inaperçus si la CGC pouvait se targuer d’une ligne politique claire et convaincante. Or, si le militantisme fait le succès de la “marque”, sa direction nationale peine à exprimer une vision intelligible du champ social. A titre d’exemple là encore, la dernière négociation sur les retraites complémentaires a semé les doutes.
Pendant plusieurs mois, Carole Couvert, qui n’a jamais hésité à désavouer son négociateur Serge Lavagna, a farouchement combattu le principe d’une fusion de l’Agirc et de l’Arrco, et prétendait ne pas signer l’accord final pour ce motif. A l’approche de l’été, elle a finalement prétendu qu’elle signerait à condition qu’une négociation interprofessionnelle définisse la notion de cadre en préalable à toute signature. Finalement, et à l’issue d’une réunion au MEDEF tenue en septembre avec l’ensemble de l’état-major CGC (dont la métallurgie), Carole Couvert s’est laissé tordre le bras et a prêté la main à la signature de l’accord.
Ce genre de palinodie n’empêche bien entendu pas le jeu de la négociation interprofessionnelle. Il contribue en revanche à décrédibiliser la parole de la confédération. Dans le même temps, Carole Couvert dénonce pourtant très volontiers le régime de faveur accordé à la CFDT…
Le CESE, une erreur stratégique?
Mais la goutte d’eau qui a fait déborder le vase est ailleurs. Début septembre, Carole Couvert a pris ses adhérents de court en annonçant une révision en urgence du règlement intérieur de la confédération. Jusqu’ici, celui-ci proscrivait les renouvellements de mandat au Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE). Et patatras! Carole Couvert propose de faire sauter cette clause… contre l’avis de sa propre fédération.
Ce point n’aurait pas soulevé de polémique particulière, s’il n’avait visé à reconduire les mandats des principaux décideurs de la mesure: Carole Couvert et Régis Dos Santos en particulier, président de la fédération banques-assurances, qui devrait, grâce à sa retraite de conseiller, améliorer considérablement sa situation sociale. Les seules fédérations à avoir soutenu ce coup de force étaient celles qui en ont tiré profit, c’est-à-dire qui ont bénéficié d’une prorogation de mandat.
Symboliquement, ce sont les fondements de la candidature Couvert de 2013 qui se sont effondrés ce jour-là. Après avoir lutté contre les conflits d’intérêts sous l’ère Van Craeynest, Carole Couvert a démontré son incapacité à sortir du schéma qu’elle a abondamment critiqué.
Cap sur le 10 décembre
L’affaire n’est toutefois pas achevée. Le 10 décembre, une réunion fédérale doit permettre aux délégués syndicaux de la fédération Energies de se prononcer sur la candidature de Carole Couvert. Il reste à voir si la position adoptée jeudi dernier par le bureau sera validée.
Dans la mesure où cette position fut adoptée à l’unanimité après un discours de deux heures de Carole Couvert, on peut toutefois imaginer que la barre sera difficile à rattraper pour la présidente.