En pleine crise de l’hôpital, les praticiens apparaissent plus désunis que jamais. Actuellement, les intérimaires sont accusés de gonfler leur rémunération au détriment de l’état de santé des patients. A l’inverse, les intérimaires mettent en cause le laisser-aller des titulaires.
Tout a commencé après la parution de cette lettre de l’Agence Régionale de Santé Occitanie. Dans cette dernière, l’ARS explique et réexplique le cadre pour recourir à ce que les praticiens appellent l’intérim médical. Sont rappelés, outre les motifs et moyens de recrutement, les montants des rémunérations. Et c’est ce dernier point qui est à l’origine de l’ouverture d’un nouveau front de conflits en milieu hospitalier.
Actuellement, ce sont des dizaines de témoignages de personnels hospitaliers qui décrivent leurs conditions de travail mais aussi des rémunérations très inférieures aux intérimaires embauchés pour des périodes données. Mais ces derniers ne sont pas en reste et dénigrent aussi les pratiques de leurs collègues.
65€ nets de l’heure pour un intérimaire, une journée à 315€ bruts pour un PH
Hôpitaux en crise, personnels et services surchargés, moyens en diminution : la réalité du terrain ne laisse parfois pas d’autres solutions que de recourir à l’intérim médical pour subvenir aux besoins des structures.
Signe que la problématique liée à la rémunération des intérimaires ne date pas d’aujourd’hui, un décret a été publié au Journal Officiel en janvier dernier pour fixer la rémunération des praticiens intérimaires à 1 404,05€ bruts par jour pour l’année 2018 puis 1 287,05€ pour l’année 2019.
Officiellement, la situation aurait dû être réglée. Dans les faits, elle est toute autre. Face à la crise, les directeurs d’hôpitaux continuent de payer le prix fort pour les remplaçants. Pour le Dr Anne Geffroy-Wernet, anesthésiste-réanimatrice au CH de Perpignan et vice-président du Syndicat National des Praticiens Hospitaliers Anesthésistes-Réanimateurs élargi (SNPHAR-e), il y a urgence.
Les contrats des remplaçants se font de gré à gré, sans respect des réglementations, avec des tarifs à 650 euros la journée qui sont indécents au regard de ce qu’ils font et du refus de certains de réaliser certains actes.
Le SNPHAR-e affirme donc que pour les médecins intérimaires, « c’est 65 euros nets de l’heure, alors que ces derniers sont « non investis dans la vie intra-hospitalière, dans l’équipe médicale et paramédicale d’un service ou d’un pôle, dans la prise en charge collégiale suivie de patients lourds, libres de choisir leurs jours de travail, non soumis à l’obligation du travail de nuit, week-end et jours fériés… et dont la formation continue – et donc la compétence – n’est pas assurée.«
Pour les praticiens hospitaliers qui effectuent cet intérim au titre du temps de travail additionnel, 315 euros brut pour une journée de travail en heures supplémentaires.
Un problème qui viendrait des pratiques des intérimaires
D’après le syndicat, les causes de ces surcoûts proviendrait exclusivement des intérimaires. D’abord parce qu’ils sont recrutés « de gré à gré« . Lorsqu’un hôpital souhaite recruter un intérimaire, deux possibilités lui sont offertes : le recruter au sens strict du code du travail donc en passant par une entreprise de travail intérimaire. Cette dernière lui propose alors plusieurs profils et rémunère le candidat.
Ou bien, il peut être recruté directement par l’établissement et rémunéré par ce dernier. Légalement, les gratifications doivent respecter les « dispositions du Code relatives aux cadres d’emploi des praticiens non-titulaires« . Pour compenser le manque d’attractivité, certains établissements n’hésitent pas à verser à gonfler les salaires des praticiens avec des « modalités de rémunération complémentaires« .
Mais ce manque d’attractivité de certains établissements hospitaliers ne serait pas étranger aux intérimaires. Pour le SNPHAR-e, « les quelques hôpitaux qui respectent la réglementation et le plafonnement des rémunérations sont blacklistés par les remplaçants ».
Les intérimaires contre-attaquent !
Logiquement, ces affirmations du syndicat ne sont pas restées lettre morte. Les intérimaires médicaux ont aussi dégainé. S’ils ne sont d’abord pas responsables des salaires qui leurs sont versés, ils réfutent aussi les accusations qui leurs sont faites d’être des mercenaires.
Et lorsque l’on creuse un peu plus, les langues se délient et montrent que les praticiens hospitaliers remplacés ne seraient pas non-plus exempt de tous reproches. Sur le site Egora.fr, un internaute qui se fait appeler Toubibo, a publié un témoignage édifiant. Si tant est qu’il soit avéré.
Je confirme moi intérimaire, je m’occupe de 30 lits seul.
Le titulaire 17 lits et disparait à 13h. Me téléphone à 16h pour me dire qu’il est en salle de sport ou sur son bateau.
De grâce lâchez la grappe aux intérimaires qui sont là pour vous permettre de vous reposer de vous soigner de prendre vos congés.
L’intérimaire travaille les week-ends et jours fériés. Il est loin de chez lui. Chacun a fait ses choix de vie.
Un faux débat ?
Qui a tort ? Qui a raison ? Probablement personne puisque les deux professions possèdent leur lot de fantasmes. Mais elles sont toutes deux liées par le serment d’Hippocrate et ont une mission commune auprès des patients.
Ces questionnements d’ordre pécuniaires prennent aussi une tournure qui pourraient desservir tous les praticiens. Si les praticiens hospitaliers affirment que les rémunérations de leur homologues intérimaires sont trop hautes, ces dernières pourraient être diminuées sans pour autant que celles des titulaires ne soient augmentés.
Pas la meilleure des idées pour unifier les professions médicales et résorber la crise qui secoue l’hôpital.