Cet article provient du site du syndicat CFDT.
Montant en épingle une scorie du Code du travail issue de sa recodification de 2008, un employeur a tenté de faire reconnaitre, devant la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire, qu’une fois licenciés, les conseillers du salarié ne pouvaient plus prétendre à quelque réintégration que ce soit dans leur emploi (ou dans un emploi équivalent). Ce même si l’autorisation administrative ayant servi de fondement à la décision patronale de rompre le contrat de travail devait finalement être annulée. Mais, fort heureusement, les juges de la Cour de cassation ne se sont pas laissés abuser ! Cass.soc. 17.05.17, n°16-14.979 et 16-15.005.
- Les tenants et les aboutissants de l’affaire
Au cœur de l’été 2013, le 30 juillet très précisément, un salarié conducteur receveur au sein d’une entreprise de transports urbains fût licencié pour faute grave. Ce dernier étant titulaire d’un mandat de conseiller du salarié, l’employeur dut se résoudre à solliciter, auprès de l’inspection du travail, une autorisation de licencier.
Si, dans un premier temps, une telle autorisation fût bel et bien obtenue par l’employeur, quelque mois plus tard, elle sera purement et simplement annulée par le ministère du travail.
En conséquence, la réintégration du salarié fût ordonnée par ordonnance prud’homale de référé rendue le 10 juillet 2014. Réintégration qui devint effective dès le 8 août suivant.
L’histoire n’était pour autant pas terminée puisque le 27 avril 2015, ce même salarié fût une seconde fois licencié pour faute grave après que l’employeur eut obtenu l’assurance, de la part de l’administration, qu’il ne bénéficiait plus d’aucune protection !
Sur le fond du dossier cependant, la cour d’appel, dans un arrêt du 5 février 2016, tira les conséquences de la réintégration qui avait été ordonnée en 2014 en condamnant l’employeur, sur le fondement de l’article L. 2422-4 du Code du travail, à payer au salarié une indemnité « correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration », c’est-à-dire, en l’espèce, entre le 30 juillet 2013 et le 10 août 2014.
- Des conseillers du salarié présentés comme exclus du droit à réintégration
Certes, comme nous l’avons déjà vu, une ordonnance prud’homale rendue en référé avait ici ordonné la réintégration du salarié !
Mais, dès lors que la question de l’indemnisation du salarié -à hauteur des salaires qu’il aurait dû percevoir entre la date de son licenciement et celle de sa réintégration- fût livrée aux débats, le droit à réintégration du salarié fût, en tant que tel, remis en cause par la partie employeur.
Pour ce faire, l’employeur tenta d’exploiter une faille rédactionnelle affectant notre Code du travail. Son article L. 2422-4 précise en effet que « les salariés investis d’un des mandats mentionnés à l’article L. 2422-1 » peuvent non-seulement prétendre à leur réintégration mais également au versement d’une indemnité dont les modalités de calcul ont été ci-avant rappelés.
Or, à bien lire les mandats visés à cet article L. 2422-1, on y trouve en vrac les délégués syndicaux, les délégués du personnel, les membres élus au comité d’entreprise, les candidats aux fonctions de délégué du personnel et de membre du comité d’entreprise, les salariés qui ont demandé l’organisation des élections pour la désignation des délégués du personnel et des membres du comité d’entreprise ainsi que quelques autres…Mais de conseiller du salarié point de trace !!
La conclusion qu’en tirait la partie employeur était, tout à la fois, imprégnée de simplicité (pour ne pas dire simpliste) et de littéralisme. Nous pouvons la résumer comme suit : les conseillers du salarié n’étant pas expressément visés à l’un des articles traitant du droit à réintégration, ceux-ci ne pouvaient, en aucun cas, s’en prévaloir.
- Un positionnement balayé par la Cour de cassation
Afin de rejeter cette argumentation, la Cour de cassation prit le parti d’aller au-delà du champ étriqué dans lequel elle s’était développée. Et au lieu de s’en tenir au seul contenu d’un article pris isolément, elle s’attacha à mettre en lumière l’intelligence générale du système.
Ainsi se réfère-t-elle à l’article L. 1232-14 du Code du travail selon lequel « le licenciement du conseiller du salarié est soumis à la procédure d’autorisation administrative prévue par le livre IV de la deuxième partie ».
Or, au sein du livre IV de la deuxième partie du Code du travail, l’on trouve un article L. 2411-21 qui indique expressément que « le licenciement du conseiller du salarié (…) ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspection du travail ». En conséquence de quoi, le licenciement de ces mêmes conseillers prononcés sur la base d’une autorisation administrative par la suite annulée doit nécessairement être frappé de nullité. Ce qui induit, pour eux comme pour les autres salariés protégés, la reconnaissance d’un droit à réintégration.
Au-delà du fait que la partie employeur avait ici tenté de faire d’une scorie un droit, nous pouvons également préciser que préalablement à la recodification de 2008 (qui s’est donc avérée malheureuse sur ce point), les dispositions du Code du travail étaient particulièrement claires s’agissant du droit à réintégration du conseiller du salarié. Son ancien article L. 122-14-16 précisant en effet, en son dernier alinéa, que le licenciement d’un conseiller du salarié était soumis à la même procédure que celle qui trouvait à s’appliquer au délégué syndical. Or, pour le délégué syndical, il était (et il est toujours) incontestable que le droit à réintégration s’appliquait (et s’applique toujours) de manière pleine et entière !!
Et la recodification de 2008 ayant faite « à droit constant », l’on voit mal comment on aurait pu prétendre que, par son entremise, le droit à réintégration des conseillers du salarié se serait pour ainsi dire évaporé.
- Une portée générale à lire entre les lignes de l’arrêt
Il se trouve que l’incomplétude de l’article L. 2422-1 du Code du travail ne se limite pas aux conseillers du salarié. D’autres mandats majeurs y sont absents et notamment ceux de conseiller prud’homal et de défenseur syndical.
Pourtant, l’un comme l’autre de ces mandats sont concernés par la mise en œuvre de « la procédure prévue par le livre IV de la deuxième partie du Code du travail ». En conséquence, la décision rendue le 17 mai 2017 par la Cour de la cassation les impacts également.
Au final, la CFDT ne peut que se réjouir de cette clarification générale.