Congés payés : la charge de la preuve repose sur l’employeur

Cet article est issu du site du syndicat de salariés CFDT.

Peu importe que vos congés soient légaux ou conventionnels, l’employeur doit veiller à ce que vous les preniez tous. En cas de contestation, il lui appartient d’apporter la preuve qu’il vous a permis d’exercer votre droit à congé. La Cour de cassation étend ainsi la règle à l’ensemble des congés légaux ou conventionnels, s’ajoutant aux quatre semaines par an déjà garanties par le droit de l’Union européenne. Cass.soc.21.09.17, n°16-18.898. 

  • Rappel des règles en matière de congés payés

L’organisation des congés payés relève chaque année du pouvoir de l’employeur. Afin de garantir la sécurité et la santé des salariés, celui-ci doit veiller à ce que les congés payés de chaque salarié soient soldés avant la fin de la période de prise des congés payés. 

S’appuyant sur la directive de 2003/88/CE du Parlement et du Conseil du 4 novembre 2003 (concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail), la Cour de cassation juge que l’employeur doit prendre toutes les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé (sous-entendu les 4 semaines minimum garanties par le droit de l’Union européenne). Il en résulte qu’en cas de contestation sur la prise de ces congés, il appartient à l’employeur de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement (1). 

Qu’en est-il alors des congés payés légaux ou conventionnels accordés au-delà des 4 semaines garanties par l’Union européenne? En cas de litige, c’était jusqu’ici au salarié d’apporter la preuve qu’il n’avait pas pu prendre ses congés du fait de l’employeur (2). C’est sur ce dernier point que notre arrêt revient. 

En France, la loi prévoit 5 semaines de congés payés par an, soit une semaine de plus que le minimum prévu par le droit de l’Union européenne. Les congés payés accordés au-delà des 5 semaines sont des congés payés conventionnels. 

  • Faits, procédure

Dans cette affaire, un employeur conteste la décision d’une cour d’appel d’accorder au salarié, licencié pour inaptitude après un arrêt maladie de plusieurs mois, une somme au titre du rappel de congés payés. Le salarié soutenait que l’employeur devait lui régler 67,5 jours non pris entre 2011 et 2014, des jours de congés allant au-delà des 4 semaines par an garanties par l’Union européenne. 

Pour les juges du fond, c’est à l’employeur d’apporter la preuve qu’il a pris toutes les mesures pour que le salarié prenne effectivement ses congés, peu importe s’il s’agit de congés payés au delà des 4 semaines garanties par l’Union européenne. En l’espèce, l’employeur ne produit aucun élément permettant d’établir qu’il a mis en mesure le salarié de prendre l’ensemble des congés acquis sur la période considérée. Aussi, elle donne raison au salarié. L’ employeur forme alors un pourvoi en acssation. 

Pour l’employeur, la cour d’appel inverse la charge de la preuve car « s’agissant des congés payés d’origine légale ou conventionnelle accordés en sus des congés payés d’une durée minimale de 4 semaines», il « appartient au salarié réclamant le paiement des jours de congés payés non pris de prouver qu’il a été empêché de les prendre du fait de l’employeur ».Un pourvoi est donc formé par l’employeur . 

  • L’obligation de l’employeur s’étend à l’ensemble des congés payés

La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel. Elle rappelle le principe classique selon lequel« eu égard à la finalité qu’assigne aux congés payés la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement ». 

La Haute Cour ajoute, et c’est la nouveauté, que « sauf dispositions contraires, la même règle de preuve s’applique aux congés d’origine légale ou conventionnelle, s’ajoutant aux 4 semaines garanties par le droit de l’Union ». La cour d’appel n’a donc pas inversé la charge de la preuve. 

  • L’impact sur la charge de la preuve

C’est désormais à l’employeur dans tous les cas (congés payés légaux ou conventionnels) d’apporter la preuve qu’il a permis au salarié d’exercer son droit à congé

En l’espèce, la cour d’appel a constaté que « l’employeur ne produisait aucun élément permettant d’établir qu’il avait mis le salarié en mesure de prendre l’ensemble de ses jours de congé acquis en 2011-2012, en sorte que ceux-ci étaient reportés sur l’exercice suivant ». Elle a relevé que « l’intéressé avait été empêché, en raison de son placement en congé maladie à compter du 27 janvier 2014, d’exercer les droits à congés reportés ou acquis au titre de l’exercice 2012-2013 ». 

Cet arrêt va dans le sens d’un arrêt non publié rendu par la Cour de cassation en 2017, qui avait déjà étendu cette obligation pour l’employeur et la charge de la preuve qui en découle, pour les congés légaux au-delà des 4 semaines garanties par l’Union européenne, soit la 5ème semaine (3).  

La CFDT ne peut que se réjouir de cette solution qui vise à protéger davantage le salarié et lui assurer une prise effective de ses congés payés, en obligeant l’employeur à prouver qu’il a tout fait pour que le salarié exerce son droit à congé et ce, quelle que soit leur origine. 

 

(1) Cass.soc.16.12.15, n°14-11.294, cass.soc.13.06.12, n°11-10.929. 

(2) Cass.soc.12.05.15, n°13-20.349 : cet arrêt concernait des congés conventionnels. 

(3) Cass.soc.26.01.17, n°15-26.202. 

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