Après avoir fait parler de lui au printemps dernier lorsque l’Union Européenne a voulu élargir les droits des pères en matière de congé parental, le congé paternité attire de nouveau l’attention sur lui ces derniers jours. Le 20 septembre, le Premier ministre Edouard Philippe a en effet ajourné la réforme du congé parental. En réponse à cette décision, divers partisans du féminisme appellent le Président de la République a changé son fusil d’épaule.
Accord au sommet Martinez-Parisot
Parmi ces partisans figurent notamment Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, et Laurence Parisot, ancienne présidente du Medef reconvertie dans la défense de la cause féminine. Ils ont en effet tous les deux signé la pétition intitulée “N’enterrez pas le congé paternité !” et initiée par deux collectifs : “Congé Parent Egalité” et “PAF – pour une parentalité féministe”.
Le patron de la CGT et l’ancienne dirigeante du patronat français s’accordent sur tous les tableaux. D’un côté, ils dénoncent le fait que l’organisation actuelle du congé parental en France – où les femmes disposent d’un congé de 16 semaines, dont 8 obligatoires, tandis que les hommes n’ont qu’un congé facultatif de 11 jours – conduit au “maintien d’un système inégalitaire et patriarcal au travail” et “dans l’intimité des foyers”. D’un autre côté, ils déplorent les “frustrations” du “père ou second parent [qui] n’ose affirmer son choix de peur d’être discriminé à l’embauche ou dans sa carrière” et qui “souffre d’être relégué au second rang pour les soins de l’enfant et de ne pas avoir le temps de sa “rencontre”. En somme : que de malheurs et de discriminations dans le fonctionnement actuel du congé parental français !
Un curieux unanimisme
Les défenseurs du féminisme seront ravis de noter que le principe d’un congé paternité amélioré fait désormais l’objet d’un accord entre le chef de la CGT et l’une des anciennes présidentes du Medef. En plus de légitimer leur cause, un tel consensus accrédite l’idée que c’est bel et bien, au final, pour de mauvaises raisons – en l’occurrence, comme le dit la pétition, “une question de budget” – que le gouvernement se refuse à agir dans la bonne direction.
Ceci étant dit, certains de ces défenseurs, ceux qui se considèrent comme “progressistes”, gagneraient tout de même à se demander quelque peu pourquoi Madame Parisot, qui ne s’est pas particulièrement distinguée par son engagement pour les conquêtes salariales lors de son passage à la tête du patronat français, en est venue à signer une pétition pour un congé paternité élargi. De mauvais esprits pourraient, par exemple, rappeler que dans le contexte politique et social actuel, il serait probable qu’une légère amélioration du congé paternité se traduirait en parallèle par une dégradation proportionnellement plus importante du congé maternité. La période n’étant pas au faste social, la remise en cause des équilibres hérités du passé se traduit bien plus souvent par du moins disant social que par le contraire.
Le marché du travail, unique horizon de vie
A bien relire le texte de la pétition sur le congé paternité, on en vient d’ailleurs à s’interroger sur les intentions exactes de ses rédacteurs. Car, au-delà des indignations d’usage relatives aux problèmes posés au père – ou au “second parent”… – par la légisation actuelle, l’essentiel du propos dénonce l’injustice qu’elle ferait aux femmes en les éloignant du marché du travail plus longtemps que les hommes à l’occasion de la naissance d’un enfant. De ce point de vue, bien des pétitionnaires ne s’accommoderaient-ils pas, au fond, d’une dégradation du congé maternité ?
La question mérite d’être posée c’est bien là tout le noeud du problème : pour bien des partisans actuels du féminisme, l’unique horizon légitime de vie des femmes doit être le marché du travail. Toute vie hors de ce marché est systématiquement dénigrée comme témoignant d’une intolérable oppression patriarcale, voire machiste, faite aux femmes. Ainsi Philippe Martinez et Laurence Parisot communient-ils dans cette promotion d’un féminisme dont le caractère stakhanoviste, ceci n’étonnera personne, n’est pas pour déplaire au capital.