Clause de non-concurrence : les précisions utiles du juge

Cette publication est issue du site du syndicat de salariés CFDT.

La Cour de cassation vient d’affiner sa jurisprudence relative à la renonciation de la clause de non-concurrence dans le cas précis de la démission suite à laquelle le salarié n’a pas exécuté l’intégralité de son préavis, de sa propre initiative. Elle considère que la renonciation peut intervenir jusqu’au dernier jour théorique du préavis. Cass.soc, 21.03.18, n°16.21021 

  • Rappel des faits

Une salariée, embauchée en qualité de chargée de projet, est liée par une clause de non-concurrence selon laquelle « la société se réserve le droit de libérer (…) de l’interdiction de non-concurrence ou d’en déduire la durée en informant par écrit (…) dans le délai maximal de 30 jours suivants la fin effective du travail ». Le 13 janvier 2011, elle démissionne, puis elle cesse de travailler le 28 février 2011, visiblement de sa propre initiative, sans accord de l’employeur. Le 6 avril 2011, l’employeur l’informe qu’il renonce à l’application de la clause de non-concurrence et que de fait, il ne lui versera pas l’indemnité de non-concurrence. 

Considérant que la renonciation de l’employeur à la clause de non-concurrence était tardive car intervenue au-delà du délai fixé contractuellement (30 jours après le dernier jour de préavis effectivement travaillé), la salariée décide de saisir le conseil de prud’hommes afin d’obtenir le versement de l’indemnité de non-concurrence. Elle est déboutée par les juges du fond et forme alors un pourvoi en cassation 

Selon la salariée, en renonçant à la clause de non-concurrence le 6 avril 2011, l’employeur n’aurait pas respecté le délai contractuel de 30 jours qui courait à compter de la fin effective du travail. La salariée ayant cessé de travailler le 28 février 2011, elle considérait par conséquent que la renonciation était intervenue tardivement. 

Par ailleurs, la salariée considère que les juges du fond, en exigeant d’elle la preuve que l’employeur lui avait donné son accord pour une fin anticipée de son préavis, auraient ajouté une condition non prévue et auraient par conséquent violé l’article 1134 du Code civil alors applicable. 

  • Le salarié qui n’exécute pas le préavis de démission de son propre chef peut-il se prévaloir des règles relatives à la renonciation de la clause de non-concurrence ?

Bref rappel des règles relatives à la renonciation de la clause de non-concurrence  

La Cour de cassation reconnaît à l’employeur le droit de renoncer à la clause de non-concurrence figurant au contrat de travail le liant à un salarié. Cette faculté de renoncer est toutefois strictement encadrée. Ainsi, lorsque le contrat de travail est rompu, ne peut-elle intervenir qu’aux conditions suivantes : 

– la clause de non-concurrence elle-même doit prévoir cette possibilité (Cass.soc., 28.11.01, n°99-46032 ) ; 

– la renonciation doit se faire selon les formes fixées par les dispositions contractuelles ou conventionnelles (Cass.soc., 10.07.13, n°12-14080) ; 

– la renonciation doit être notifiée individuellement au salarié concerné (Cass.soc., 21.10.09, n°08-40828) ; 

– la renonciation doit intervenir dans le délai fixé contractuellement ou conventionnellement. 

Cette dernière condition a fait l’objet d’une abondante jurisprudence ayant permis notamment de préciser : 

– que le point de départ du délai de renonciation est la date de la notification de la démission (Cass.soc., 15.03.06, n°03-43102) ou du licenciement (Cass.soc., 30.03.11, n°09-41583) ; 

– qu’en cas de dispense d’exécution du préavis par l’employeur, si celui-ci entend renoncer à l’exécution de la clause de non-concurrence, il doit le faire au plus tard à la date du départ effectif de l’intéressé de l’entreprise, nonobstant stipulations ou dispositions contraires (Cass.soc., 21.01.15, n°13-24471). 

Une nouvelle précision : en l’absence de dispense de préavis, la renonciation à la clause peut intervenir pendant la durée du préavis même non effectuée 

Dans l’affaire commentée, la Cour de cassation valide l’arrêt de la cour d’appel. Elle précise en effet que la cour d’appel, qui avait constaté que l’employeur n’avait pas dispensé la salariée de l’exécution de son préavis, pouvait en déduire que la notification de la levée de la clause non-concurrence faite le 6 avril 2011, en cours de préavis, était valable. 

Autrement dit, dans une telle situation, le salarié qui avait cessé de travailler en cours de préavis sans que l’employeur ne l’en ait dispensé ne pouvait se prévaloir des règles selon lesquelles l’employeur doit faire connaître sa renonciation au plus tard le dernier jour travaillé. Bien au contraire, en l’absence de dispense d’exécution, l’employeur pouvait y renoncer jusqu’au dernier jour du préavis, même si le salarié ne travaillait plus. 

Cette décision, défavorable au salarié, ne surprends toutefois pas. En effet, il semble évident que dans une telle situation, où le salarié a décidé de cesser son travail au cours du préavis sans autorisation de l’employeur, ce dernier pouvait difficilement connaître le dernier jour de travail effectivement travaillé. La possibilité ici de renoncer jusqu’au terme de préavis « théorique » paraît donc logique. 

Le salarié est toutefois placé dans une situation incertaine quant au respect de la clause de non-concurrence entre le moment où il cesse de travailler et le moment où son préavis aurait dû prendre effectivement fin. Pendant cette période, afin d’éviter toute difficulté, il est fortement conseillé de respecter la clause jusqu’au terme du préavis tant que l’employeur n’y a pas renoncé. 

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