Ce que le Brexit pourrait changer à la Sécurité Sociale

Le Conseil européen qui s’est tenu jeudi et vendredi pourrait comporter quelques innovations importantes en matière de sécurité sociale, qui mériteront d’être étudiées de près. En particulier, la directive sur la coordination des systèmes de sécurité sociale risque d’être revue dans l’hypothèse où la Grande-Bretagne confirmerait son adhésion à l’Union, fin juin. 

Le Brexit et la libre circulation des personnes

David Cameron a subordonné sa campagne en faveur du “non” au Brexit à plusieurs points, dont une réforme des principes de sécurité sociale liés à la libre circulation des personnes. Le système actuel interdit à un Etat membre de restreindre l’accès d’un travailleur de l’Union aux politiques sociales du pays qui l’accueille. Au nom du principe de non-discrimination, cette interdiction de toute restriction s’étend à l’ensemble des travailleurs, quelle que soit leur pays d’origine.  

Or la Grande-Bretagne souhaite pouvoir faire exception à cette règle en instaurant un délai de carence de plusieurs années dans le droit aux prestations.  

Le Brexit et la dérogation à la libre circulation des personnes

Le Conseil Européen a reconnu la possibilité pour un Etat membre d’introduire des dérogations “proportionnées” au principe général d’universalité des systèmes de protection sociale. Cette innovation mérite d’être soulignée, car elle excède largement le seul cadre de la Grande-Bretagne. On retiendra notamment des conclusions du Conseil les éléments suivants: 

Si la libre circulation des travailleurs visée à l’article 45 du TFUE implique l’abolition de toute discrimination fondée sur la nationalité en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail et d’emploi, ce droit peut être soumis à des limitations pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. En outre, si des raisons impérieuses d’intérêt général le justifient, la libre circulation des travailleurs peut être restreinte par des mesures proportionnées à l’objectif légitimement poursuivi. 

Cette précision sur les règles applicables en matière de libre circulation manifeste bien le “tournant” que l’ensemble de l’Europe prend aujourd’hui à l’occasion d’un possible Brexit. 

Le Brexit et le refus des prestations sociales aux étrangers

Ce principe général de dérogation à la libre circulation peut faire l’objet d’une application étendue, y compris à des prestations de survie. On retiendra en particulier cette formulation qui devrait fortement changer la donne en Europe: 

Les États membres peuvent rejeter les demandes d’aide sociale qui émanent de citoyens de l’Union originaires d’autres États membres qui ne bénéficient pas d’un droit de séjour ou qui sont autorisés à séjourner sur leur territoire uniquement à des fins de recherche d’emploi. Cela comprend les demandes émanant de citoyens de l’Union originaires d’autres États membres qui portent sur des prestations dont la fonction prépondérante est de garantir le minimum des moyens d’existence, même si ces prestations sont également destinées à faciliter l’accès au marché du travail des États membres d’accueil. 

S’agissant de la France, ce principe d’exception de nationalité pourrait donc concerner le versement du RSA ou d’autres prestations servies dès l’arrivée de l’étranger communautaire.  

Le Brexit et les prestations familiales

L’exception prévue ci-dessus ne vaut toutefois que pour les demandes d’aide sociale concernant des étrangers autorisés à séjourner sur le territoire à des fins de recherche d’emploi. Le Conseil a élargi les exceptions, de façon notables, au cas des prestations familiales.  

une proposition visant à modifier le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, afin de donner aux États membres, en ce qui concerne l’exportation des allocations familiales vers un État membre autre que celui où le travailleur réside, la possibilité d’indexer ces prestations sur les conditions qui prévalent dans l’État membre où l’enfant réside. 

Autrement dit, les prestations familiales versées à des enfants d’un étranger vivant dans leur pays d’origine (ou dans un autre pays) pourraient être indexées sur le niveau de vie du pays où ils vivent, et non sur celui de l’Etat membre qui verse les prestations. Cette demande, qui n’était pas formulée par la Grande-Bretagne, illustre clairement le durcissement des conditions d’accueil des étrangers dans l’ensemble de l’Europe, auquel nous assistons.  

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