Les partenaires sociaux se sont retrouvés hier, jeudi 23 mars, pour une troisième réunion de “négociation” sur l’avenir de l’assurance chômage. Dans la mesure où les représentants patronaux n’avaient pas du tout dans l’intention d’évoquer le sujet des contrats très courts, ils ont dû assurer le spectacle afin de tenir en haleine leurs camarades du collège des salariés.
Silence sur les contrats très courts
Alexandre Saubot, le négociateur du Medef, a préféré ne pas faire durer le suspens avant de dévoiler les dernières propositions patronales sur les CDD de moins d’un mois. Et pour cause : elles sont identiques à celles avancées depuis l’ouverture de la négociation Unédic, début mars. Les responsables patronaux considèrent toujours que c’est aux secteurs d’activité les plus friands de ce type de contrats de s’auto-réguler, par le biais de négociations de branches. C’est à peine si, dans la nouvelle version de son projet d’accord, le Medef évoque des “incitations pertinentes” à l’ouverture de ces négociations professionnelles.
Interrogé par Reuters, Michel Beaugas, le négociateur FO, a déploré le refus patronal de s’engager à limiter le recours aux contrats très courts : “Comme on sait que depuis le début le Medef refuse tout cadre général pour les contrats courts, on est un petit peu dans l’impasse”. Même son de cloche du côté de la CGT : “c’est à se demander si le Medef ne joue pas l’échec des négociations, finalement” s’est emporté Denis Gravouil.
Exaspérée par tant de surplace, Véronique Descacq, pour la CFDT, a même remis en cause la sincérité des négociateurs patronaux : “Le patronat a-t-il un vrai mandat pour négocier? Il dit que oui. Mais on peut en douter car les discussions n’avancent pas.” Elle s’est ensuite émue de la mauvaise image que la négociation donne du paritarisme : “Tout ceci alimente la thèse de ceux qui disent que le paritarisme ne sert à rien, que c’est du cirque.” Qui donc défendrait cette thèse ?
Coup de projecteur sur la dette
Peut-être bien les responsables du Medef ! Estimant sans doute que plus il y a d’éclats de voix, mieux c’est, ils ont en effet jugé bon de demander à l’Etat de ne plus garantir la dette de l’Unédic, qui s’élève rappelons-le à la bagatelle de 34 milliards d’euros. Le projet d’accord présenté le matin précisait ainsi : “les organisations gestionnaires de l’Unédic s’engagent à ne plus demander la garantie de l’Etat sur le financement de la dette de l’assurance chômage”. Les dirigeants patronaux ont justifié cette requête en invoquant la responsabilité des acteurs paritaires : “chacun doit ainsi assumer sa part de responsabilité, dans le respect des prérogatives respectives de l’Etat et des partenaires sociaux gestionnaires du régime d’assurance chômage”.
Cette proposition patronale inédite a largement été interprétée, dans la presse, comme une volonté de signifier à Emmanuel Macron que le paritarisme était loin d’être moribond. Il est vrai que M. Macron imaginera sans peine les gestionnaires de l’Unédic en traders avertis, financer le chômage français en faisant appel aux marchés internationaux. Le tout, bien évidemment, à bons taux…
Pour le Medef, revendiquer la fin de la garantie étatique constitue surtout une tentative de mettre la pression sur les représentants des salariés. En les invitant à ne plus dépendre de cette garantie, le Medef leur rappelle que l’assurance chômage vit au-dessus de ses moyens. Mme Descacq ne s’y est d’ailleurs pas trompée, préférant écarter d’emblée tout débat sur le sujet : “Ça n’est pas d’actualité, ça tombe comme un cheveu sur la soupe”. Le paritarisme : oui, mais à condition de ne pas trop en abuser quand même.
Le temps des diversions
Afin d’éviter que le débat tourne tout à fait à vide, les négociateurs du Medef avaient, certes, avancé une vraie proposition. Elle concernait l’indemnisation des chômeurs âgés. Le projet patronal présenté en début de séance prévoyait un système pour le moins complexe de durée d’indemnisation en fonction de l’âge : 24 mois pour les demandeurs d’emploi âgés de 50 à 54 ans ; 27 mois pour les demandeurs d’emploi âgés de 54 à 56 ans ; 30 mois pour ceux âgés de 56 à 57 ans ; 33 mois après 57 ans et jusque 59 ans et enfin, 36 moins après 59 ans. En somme : une usine à gaz pour faire passer les pilules de l’absence de discussion sur les contrats très courts et de la surprenante idée sur la dette.
Autant dire qu’après une matinée si riche en évènements, les représentants des salariés étaient particulièrement remontés. Même la CFTC était au bord de la rupture : “ca a failli mal tourner ce matin” a déclaré à Reuters son négociateur, Eric Courpotin, que l’on imagine pourtant mal en catcheur.
Dans ce contexte particulièrement difficile, les agapes de la mi-journée semblent pourtant avoir eu un effet bénéfique sur les esprits paritaires. En particulier, sur les chômeurs âgés, Alexandre Saubot a revu sa copie, évoquant un report de 50 à 53 ans de la durée d’indemnisation à 36 mois. Cette éventualité serait proche de celle que les organisations syndicales modérées sont prêtes à accepter : 52 ans. Parallèment à cela, sur d’autres sujets plus techniques, le Medef faisait preuve d’ouverture à l’égard de requêtes de la CFDT, de FO et de la CFE-CGC.
Un dernier tour de piste
Ces “avancées” mineures ne sauraient toutefois masquer l’essentiel : les deux précédentes réunions de “négociations” n’ont pas servi à grand chose. Tout se décidera par conséquent, lors de la dernière séance de discussions, prévue mardi et peut-être aussi mercredi prochains. Le comité exécutif du Medef se tiendra d’ailleurs la veille, lundi 27 mars, probablement afin de donner un mandat à Alexandre Saubot sur la question des contrats très courts. Comme l’explique Michel Beaugas, c’est une condition sine qua none à un accord sur l’Unédic : “tout va reposer sur le problème des contrats courts”. Rien ne laisse penser que la CFDT ne partage pas cette opinion.
Le Medef, qui, hier matin encore, criait volontiers sur tous les toits son assurance que le paritarisme peut se passer de la garantie de l’Etat, prendra-t-il le risque d’un lamentable échec de la négociation Unédic ?