Cet article a été rédigé pour le site du syndicat de salariés FO
La présidente par intérim d’Air France rencontrera très prochainement, et à leur demande, les organisations syndicale dont FO (pour les navigants commerciaux et les personnels au sol). Après quinze journées de grève depuis le 22 février et près de trois semaines après le résultat de la consultation des salariés lesquels ont rejeté massivement la proposition salariale faite par la direction, après la démission médiatique du P-DG qui avait voulu jouer son poste dans cette consultation… Les salariés demandent que soit mis fin à cette situation de blocage
et que leur revendication salariale soit entendue afin de mettre un point final au conflit
. La balle est donc encore dans le camp de la direction.
Ils seront reçus cette semaine ou la semaine prochaine. A leur demande, les dix organisations syndicales d’Air France dont FO (pour les personnels au sol et les navigants commerciaux/PNC) inscrites dans l’intersyndicale représentant les trois catégories de salariés de la compagnie (pilotes, personnels au sol et PNC) rencontreront donc bientôt en bilatérale la présidente par intérim de la compagnie, Mme Anne-Marie Couderc (nommée le 15 mai dernier par le conseil d’administration d’Air France).
Les syndicats lui avaient écrit le 18 mai dernier en sollicitant une rencontre et en invitant la présidente (non-exécutive) qui a remplacé M. Jean-Marc Janaillac à faire en sorte que le dialogue soit renoué entre la direction d’Air France et l’intersyndicale. La présidente a accepté le principe des rencontres. Les organisations tiendront quant à elles une intersyndicale ce 24 mai.
Les salariés qui depuis février ont effectué quinze journées de grève attendent des mots et des actes susceptibles de purger le malaise profond qui perdure
indiquait l’intersyndicale dans sa lettre, soulignant qu’il faut remettre rapidement Air France dans une dynamique positive
. Nous ne souhaitions pas poser d’ultimatum mais indiquer une volonté d’une reprise rapide du dialogue
précise Christophe Malloggi, le secrétaire général du syndicat FO-Air France. Dans leur lettre commune, les organisations indiquaient encore qu’il faut trouver le compromis qui réponde favorablement à notre revendication et qu’un point final soit mis à ce conflit
.
La revendication salariale légitime perdure
Le point final en effet se fait attendre. Depuis le 22 février, date du début du conflit pour une augmentation générale des salaires dans la compagnie la Direction est restée sourde à la revendication légitime du personnel qui a subi six années de gel des salaires. Après avoir demandé en février une augmentation des salaires de 6%, les organisations ont accepté de faire des efforts quant à revendication.
Elles demandent depuis avril une augmentation générale des salaires de 5,1% en 2018 avec une application en deux temps (+3,8% en avril et +1,3% en octobre). La direction ne s’est pas saisie de cet effort. Elle s’est en revanche employée à jouer une sorte de psychodrame mâtiné de chantage et ce jusqu’à la démission le 4 mai dernier du P-DG du groupe Air France-KLM M. Jean-Marc Janaillac.
Celui-ci avait mis sa démission en jeu dans le cadre de la consultation des salariés concernant l’ultime proposition salariale faite par la direction le 16 avril. Initialement (sur la base d’un accord salarial signé par la CFDT et la CFE-CGC mais rendu caduc via les contestations émises d’autres syndicats dont FO) la direction proposait une hausse générale des salaires de 1% en 2018 et cela en deux temps, ce qui équivalait en réalité à une augmentation inférieure à 0,6% sur douze mois. Contrainte par les actions des salariés, la direction a proposé ensuite une augmentation générale de 2% en 2018. Elle assortissait son offre d’une proposition d’augmentation générale de 5% mais sur 3 ans (2019-2021), sous conditions de résultats positifs sur les trois prochaines années… Concrètement, il s’agissait d’une hausse des salaires limitée à 1,65% par an. L’intersyndicale a rejeté cette proposition visant à obtenir des syndicats un accord triennal de modération salariale.
100% des salariés souhaitent une sortie rapide du conflit
Consultés du 26 avril au 4 mai, les salariés ont donné eux aussi leur avis, sollicités par la direction… Or, grévistes ou non, ils ont rejeté à 55,44% ce plan de modération salariale. Un véritable « camouflet » pour la direction résumait l’intersyndicale.
Le P-DG a donc démissionné non sans avoir auparavant cherché à stigmatiser les syndicats et les grévistes accusés de mettre en péril la compagnie et son avenir. Non sans avoir voulu aussi apeurer l’opinion concernant le coût de la grève (plus de 300 millions) ou encore avoir tenté d’alarmer sur une démission qui selon le P-DG allait entraîner Air France dans de douloureuses turbulences. Ce 22 mai, l’intersyndicale rappelait qu’elle n’a pas voulu la tête de Jean-Marc Janaillac
pas plus qu’elle n’a souhaité que son successeur arrive sur une poudrière
.
Depuis cette démission ? Alors que le gouvernement-via le ministre de l’Economie, M. Bruno Le Maire- a fait savoir qu’il souhaiterait un P-DG à la rentrée
, les salariés souhaitent à 100% une sortie rapide du conflit
rappelle l’intersyndicale soulignant que la responsabilité de la grève que beaucoup cherchaient à faire peser sur les seules épaules des organisations syndicales repose aujourd’hui sur celles de la direction
.
Déjà des années de turbulences pour les salariés
Quant aux turbulences brandies telles des menaces par l’ex-P-DG, les salariés d’Air France en ont déjà traversées. Ainsi depuis 2012, au nom des économies à réaliser dans le cadre de la concurrence exacerbée entre compagnies, des milliers d’emplois ont été supprimés à Air France au fil de plusieurs plans de restructuration (Transform, Perform, Trust Together…). Entre 2012 et 2014, la compagnie a perdu 5 500 emplois…
Les salariés payent encore les conséquences de ces décisions drastiques. Ainsi le 5 octobre 2015, la direction annonçait à l’occasion d’un comité central d’entreprise (CCE) la suppression de 2 900 postes impactant pilotes, personnels au sol et navigants commerciaux ainsi qu’une réduction de voilure de la compagnie. La violence de l’annonce (sur laquelle la direction était ensuite revenue) avait entraîné un mouvement d’humeur des salariés en grève et qui manifestaient sur le site de Roissy contre ce nouveau plan de restructuration.
Accusés de violence par la direction et quelques cadres, certains salariés avaient subi des mises à pied, des licenciements et/ou se sont retrouvés depuis devant la justice. Ce 23 mai 2018, Air France est ainsi à nouveau dans l’actualité. La Cour d’Appel de Paris rendait en effet ses jugements concernant douze salariés et ex-salariés accusés pour certains de violence (affaire de la chemise arrachée du DRH de l’époque), d’autres de dégradations.
A quand un retour à la sérénité ?
Quatre ex-salariés ont été condamnés à des peines de trois à quatre mois de prison avec sursis. L’un d’entre eux qui avait été relaxé en première instance a été rejugé, le Parquet ayant fait appel. La Cour a confirmé par ailleurs pour huit autres les peines d’amendes (500 euros).
Non concerné par ces jugements en appel, un militant FO qui avait participé à la grève du 5 octobre 2015 s’est retrouvé lui aussi ces dernières années devant la justice indique Christophe Malloggi, le secrétaire général du syndicat FO-Air France. Ce militant avait été condamné à une amende de 1 000 euros, cela après avoir subi une mise à pied de quinze jours sans solde par la direction
.
Las des difficultés récurrentes de dialogue social dans l’entreprise, les salariés d’Air France demandent un retour de la sérénité dans les relations
insiste l’intersyndicale. Cela doit passer notamment par une écoute rapide de la revendication salariale…