C’est ce matin que, dans le cadre de la concertation entre l’exécutif et les partenaires sociaux sur l’avenir des retraites, la Cour des Comptes a rendu au Premier ministre d’une part et aux partenaires sociaux d’autre part son rapport sur l’état et les perspectives comptables des régimes de retraite.

Censé servir de guide à cette concertation sur les retraites, le rapport de la rue Cambon vient, dans les faits, mettre la pression sur les organisations syndicales de salariés.
L’avenir des retraites, un océan de déficits
S’il est vrai, comme ceci est souligné ici ou là dans la plupart des articles consacrés au rapport rendu ce jour par la Cour des Comptes, qu’il ne vient pas corroborer l’idée, un temps défendue par François Bayrou, d’un “déficit caché” des retraites, de quelque “45 milliards d’euros”, qui serait largement dû à la couverture des fonctionnaires, il n’en met pas en exergue le fait qu’à moyen et long termes, et dans l’état actuel de la législation, l’équilibre comptable des régimes de retraite n’est pas assuré en France.
On retient, en particulier, qu’en l’absence de nouvelle réforme, le déficit de ces régimes atteindrait, d’après le rapport, environ 6 milliards d’euros en 2030, une quinzaine de milliards d’euros en 2035, puis autour d’une trentaine de milliards d’euros en 2045. Au total, l’endettement supplémentaire du régime général, à cet horizon, serait ainsi de près de 350 milliards d’euros. De telles perspectives n’apparaissent guère soutenables.
Quelques pistes (désagréables) de réflexion
N’outrepassant pas le rôle qui lui a été assigné, la Cour des Comptes ne se risque pas à formuler des préconisations à l’attention de l’exécutif ou des partenaires sociaux. Elle fournit en revanche certaines projections chiffrées portant sur des pistes pouvant nourrir la réflexion des uns et des autres. On en retiendra quelques-unes.
Relevons d’abord que, chiffrant “entre 4,8 et 7,6 milliards d’euros” le montant des “ressources annuelles supplémentaires issues d’une augmentation d’un point du taux de cotisations”, la rue Cambon prend toutefois ses distances avec ce mode d’action, au motif de ses conséquences potentiellement négatives sur l’économie et le pouvoir d’achat. De la même manière, le rapport ne semble pas défendre une remise en cause de la dernière réforme des retraites, puisqu’il informe qu’un abaissement de l’âge légal de départ à la retraite à 63 ans au lieu de 64 ans coûterait près de 6 milliards d’euros au budget social de la nation à horizon 2035.
A l’inverse, et toujours en 2035, rehausser cet âge à 65 ans permettrait d’économiser “jusqu’à 8,4 milliards d’euros”. La dégradation des régimes pourrait également passer par une sous-indexation des pensions d’un point par rapport à l’inflation, pour une économie de près de 3 milliards d’euros dès 2025.
Un rapport qui ne facilite pas la tâche des syndicats
On l’a compris : du point de vue de la Cour des Comptes, les projections comptables des régimes de retraite sont incompatibles avec la mise en œuvre de réformes d’améliorations de leurs paramètres. Au contraire, son rapport plaide pour un durcissement des conditions d’accès aux pensions de retraite. Sa lecture invite à penser qu’une poursuite de la hausse de l’âge légal de la retraite et de la durée de cotisation, articulée à une politique moins généreuse de revalorisation des pensions, sont nécessaires.
Un tel cadrage comptable d’ensemble fait plutôt les affaires de l’exécutif, qui rappelle aussi souvent qu’il le peut que le dossier des retraites doit largement être appréhendé sous l’angle de la maîtrise des dépenses. Il vient également, pour cette même raison, conforter l’approche qu’en a le patronat français. Il constitue en revanche, pour les syndicats, un document nettement plus problématique, dans la mesure où ils escomptent bien profiter de la concertation sur les retraites en cours pour obtenir des aménagements plus ou moins sensibles de la réforme de 2023. Si certains d’entre eux seront sans doute tentés de discuter, à la marge, les hypothèses macroéconomiques de la Cour des Comptes – moins favorables que celles du COR, avec un taux de chômage à 7 % et un taux de croissance annuel de la productivité de 0,7 % – il leur sera néanmoins difficile, dans tous les cas, d’ignorer les perspectives comptables fort dégradées des régimes de retraite des salariés français.