Dans le cadre de la déclaration de politique générale qu’il a prononcée hier après-midi devant l’Assemblée Nationale, le Premier ministre François Bayrou est quelque peu revenu sur les perspectives du budget social de la nation.
Alors que les comptes de ce budget social sont dans le rouge et que les projections relatives à leur évolution à moyen terme sont très défavorables, François Bayrou a défendu la nécessité d’une hausse des dépenses publiques de protection sociale.
L’endettement, “une épée de Damoclès” pour la France
François Bayrou n’ignore ni le mauvais état des finances publiques ni le fait qu’il procède largement du budget social de la nation. “Tous les partis d’opposition demandant sans cesse des dépenses supplémentaires ont aussi dansé le tango fatal qui nous a conduits au bord de ce précipice. Cette dette est une épée de Damoclès au-dessus de notre pays et de notre modèle social” a-t-il en effet affirmé durant sa déclaration, se lançant même dans un historique de la progression de l’endettement public depuis l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République. Il a jugé que l’alternance droite-gauche expliquait cette dérive : “il fallait que les Français y trouvent leur compte”. Le message s’est voulu clair : le Premier ministre considère les déficits et l’endettement publics de la France comme un problème à traiter en priorité.
Ce matin encore, s’exprimant sur TF1, la ministre des Comptes Publics Amélie de Montchalin a d’ailleurs vanté un budget en préparation portant sur “plus de 30 milliards d’économies de dépenses”, soit “le plus grand effort de baisse de dépenses depuis 25 ans”. Avec François Bayrou et son équipe, c’est vraiment promis : c’en est définitivement fini de l’insouciance budgétaire qui affaiblit la France depuis maintenant près d’un demi-siècle !
La réforme des retraites remise “en chantier”
Comme le Premier ministre l’a expliqué, les dépenses de retraite ont beaucoup contribué au niveau de l’endettement public. “Sur les plus de 1000 milliards de dette supplémentaires accumulés par notre pays ces dix dernières années, les retraites représentent 50% de ce total” a-t-il rappelé. Ceci n’est sans doute pas sans lien avec le fait que François Bayrou n’a finalement pas décidé de suspendre la dernière réforme des retraites. Cette prudence comptable ne l’a toutefois pas empêché de proposer de “remettre ce sujet en chantier”, en faisant appel, dans cet objectif, aux partenaires sociaux.
Tout en affirmant qu’une nouvelle réforme des retraites devrait viser l’équilibre comptable du régime – la Cour des Comptes devrait d’ailleurs contribuer au débat annoncé – il a également jugé qu’elle devrait être “socialement plus juste”. “Nous pouvons rechercher une voie de réforme nouvelle, sans aucun totem et sans aucun tabou, pas même l’âge de la retraite” a-t-il précisé. Le rapport de force politique à l’Assemblée Nationale étant ce qu’il est et l’opinion syndicale globale à l’endroit de la réforme de 2023 étant ce qu’elle est, on voit en réalité assez mal comment une remise en débat de cette réforme pourrait être effectuée en respectant ses équilibres budgétaires initiaux. Des dépenses publiques supplémentaires sont à attendre du côté des régimes de retraite.
L’avenir en grand de l’assurance maladie
Et ce n’est pas l’assurance maladie qui devrait contribuer à rééquilibrer le budget social de la nation. En effet, s’agissant de ce second poste important de dépenses sociales, le Premier ministre semble avoir de grand projet. Il a d’abord fait savoir qu’il n’entendait pas s’engager dans la politique promue par son prédécesseur de transferts de charges de la Sécurité sociale vers les complémentaires santé. “La mesure de déremboursement de certains médicaments et des consultations ne sera pas reprise” dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 – qui doit être examiné par le Parlement à partir du 3 février prochain – a-t-il fait savoir.
Plus encore, François Bayrou ne veut pas se contenter, en matière de prise en charge des dépenses de soins, de reconduire à l’identique le périmètre d’intervention de la Sécurité sociale : il veut également l’étendre. Afin notamment d’améliorer le niveau du financement des établissements de soins, il a annoncé une “hausse notable” de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM). Bien que la branche maladie de la Sécurité sociale soit une autre grande contributrice au déficit et à l’endettement publics, le Premier ministre a décidément de grands projets d’expansion pour elle.
Un budget social sponsorisé par le Père Noël
En prenant connaissance de la déclaration de politique générale de François Bayrou, un observateur non informé de l’état déplorable des finances publiques de la France – quelqu’un qui, par exemple, serait ressortissant d’un pays non relié à l’internet… – aurait tout à fait pu en déduire que notre pays se trouve dans une situation économique florissante et que l’Etat dispose d’excédents budgétaires à redistribuer généreusement à la population. Comme personne ne l’ignore, les choses se présentent hélas dans les faits sous un jour bien plus sombre. Rien que sur 2025, en l’absence de mesures correctives fortes, le déficit de la Sécurité sociale évoluerait à 25 milliards d’euros au moins. A horizon de la fin de la décennie, les 100 milliards de déficits cumulés pourraient être allègrement dépassés.
On l’a compris : tel qu’esquissé par le Premier ministre, le budget social de la nation pour 2025 s’apparente, en l’état, à une nouvelle tournée du Père Noël. Bien entendu, comme toute tournée du Père Noël, elle sera, inévitablement, financée, de différentes manières et à plus ou moins long terme – cotisations, taxes, tensions sur l’emploi, endettement, par exemple – par les destinataires de ses largesses.