En 1967, Jacques Chirac, alors ministre de l’Economie, créait un nouvel établissement public administratif: l’Agence Nationale Pour l’Emploi (ANPE). L’objectif de cette structure était contre le chômage, qui représentait alors… 2% de la population active. Cette création supposée bénéfique pour l’emploi inaugurait un cycle de 40 ans de montée quasi-ininterromue du chômage, et émaillée de quelques idées incongrues comme la création du Registre Opérationnel des Métiers et des Emplois, fondé sur une classification des postes de travail à un moment où l’informatisation bouleversait les méthodes de production.
40 ans plus tard… l’ANPE comptait près de 30.000 collaborateurs répartis sur plus d’un millier de sites. Nicolas Sarkozy décidait de donner un nouveau coup d’accélérateur à l’expansion permanente de ce monstre, avec un objectif: le rendre plus performant, en faisant des personnels chargés de collecter les cotisations chômage et les personnels chargés du reclassement.
7 ans après la naissance de Pôle Emploi, la Cour des Comptes a décidé d’en dresser un état des lieux, en pointant ses faiblesses et ses insuffisances. Avec un budget de fonctionnement de 5 milliards d’euros, plus de 50.000 collaborateurs, l’usine Pôle Emploi est une espèce d’hydre dont personne ne maîtrise le fonctionnement.
Les problèmes de la structure sont d’ailleurs sans surprise et bien connus. On en retiendra trois, majeurs.
Premièrement, la fusion des métiers (entre collecteurs et conseil de carrière) a constitué un leurre reposant sur une absurdité. Quel est l’intérêt de demander aux agents chargés de la collecte de se transformer en consultants? Quelle est la plus-value des concsultants dans la collecte? Dans la pratique, la machine administrative a torpillé des conséquences précieuses au lieu de les accroître.
Deuxièmement, le gigantisme de la machine la rend ingérable. A titre d’exemple, il faut à chaque agent un temps d’allumage de son ordinateur de quinze minutes chaque matin. Les programmes développés en interne sont trop lourds pour les ordinateurs achetés par le service informatique. Ce défaut empêche d’organiser un rendez-vous en moins de vingt minutes. On retrouve là le symptome des usines trop vastes, où les acheteurs informatiques ne connaissent pas les contraintes des “ouvriers” de la structure. L’anatomie de ce défaut souligne les faiblesses liées à l’extrême centralisation de la structure, et la faible délégation de pouvoir qui y est pratiquée.
Troisièmement, les prestations délivrées par Pôle Emploi sont complexes et plus aucun collaborateur ne s’y retrouve. Une grande partie de la surcharge de travail dont souffre Pôle Emploi vient des incertitudes juridiques dues à des accords entre partenaires sociaux négociés à l’arrache, dont la qualité réglementaire est faible.
Tous ces défauts expliquent que les 5 milliards d’euros dépensés par Pôle Emploi correspondent à une dépense publique sous-optimale. Ils représentent une somme d’environ 2.000 euros par demandeur d’emploi.
On peut se demander dans quelle mesure il ne serait pas plus judicieux, pour l’Etat, de supprimer Pôle Emploi et d’accorder à chaque chômeur un chèque de ce montant: à charge pour lui d’acheter les services de conseil de son choix.