Cette publication est issue du site du syndicat de salariés CFDT.
Afin de faire face à l’Etat d’urgence sanitaire, l’Etat a pris très rapidement plusieurs ordonnances, dont une relative à la prorogation des délais échus. Un décryptage de ces ordonnances a été rapidement proposé sur le site CFDT.
Mais voilà, nous avons constaté que le ministère de la justice a lui aussi proposé un décryptage via une FAQ. Seulement, ce décryptage contient selon nous une interprétation du texte pour le moins contestable quant au droit disciplinaire.
· L’ordonnance s’applique-t-elle au droit disciplinaire employeur salarié ?
Oui, répond le ministère dans sa FAQ !
Mais pour la CFDT, c’est non !
Concrètement, selon la Chancellerie, si le fait fautif a été connu de l’employeur au cours de la période courant du 12 mars 2020 au 23 juin 2020, alors, le délai de 2 mois dont dispose l’employeur pour sanctionner court, non pas à la date de connaissance du fait fautif, mais à celle du 24 juin 2020. A l’en croire, l’employeur pourrait « engager des poursuites disciplinaires jusqu’à 2 mois après la fin de cette période, soit jusqu’au 23 août 2020 ». Il en est de même, toujours selon la Chancellerie, du délai pour notifier le licenciement après un entretien préalable qui se voit appliquer la prorogation des délais de l’ordonnance.
Plusieurs arguments nous conduisent à considérer que le droit disciplinaire ne rentre pas dans le champ de l’ordonnance n° 2020-306 :
- l’ordonnance ne vise pas expressément le pouvoir de sanction de l’employeur,
- le droit à sanction de l’employeur est régi par le Code du travail. Or, ce Code ne figure pas au visa de l’ordonnance n° 2020-306. Selon nous, un employeur qui a laissé passer le délai de 2 mois à compter de la connaissance des faits fautifs ne pourra pas invoquer l’ordonnance précitée, de même que celui qui n’aurait pas prononcé le licenciement disciplinaire dans le délai d’un mois maximum à compter de l’entretien préalable.
· Le juge prud’homal est-il lié par cette interprétation du Ministère de la justice ?
Non, pouvons-nous répondre !
En effet, le juge est chargé de trancher « le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. (…) » (article 12 CPC) : la loi, le décret, les conventions et accords collectifs…Mais en aucun cas, une FAQ d’un ministère ne fait partie de l’ordonnancement juridique que le juge se doit d’appliquer.
Ainsi, en cas de litige sur le sujet, et face à un employeur qui invoquerait l’application de l’ordonnance, c’est le juge prud’homme qui devra interpréter l’ordonnance en question et dire si elle s’applique ou non au litige.