Plan de sauvegarde de l’emploi : seul le groupe capitalistique serait pris en compte

Cette publication provient du site du syndicat de salariés CFDT

 

Le Conseil d’Etat entrerait-il en résistance ? A la lecture de la décision rendue le 7 février dernier dans l’affaire de l’UES Tel and Com, on peut s’interroger, puisque celui-ci décide que le groupe pris en compte pour apprécier les moyens mis au PSE est le groupe capitalistique (visé au I de l’article L2331-1, I, du Code du travail) quel que soit le lieu d’implantation du siège des entreprises. CE,07.02.18, n°3979000. 

  • L’affaire portée devant le Conseil d’Etat

A la suite de la résiliation des contrats qui la liait aux opérateurs de téléphonie Bouygues et Orange, l’UES Tel and Com a dû cesser son activité de distribution de téléphones mobiles, d’accessoires et d’abonnements. Elle a décidé la fermeture de l’ensemble de ses établissements. 

En conséquence de quoi, l’UES a engagé une procédure de licenciement collectif pour motif économique. Le Direccte a homologué le document unilatéral fixant le contenu du PSE. Cette décision d’homologation a été contestée par quelques salariés. 

Le tribunal administratif a annulé la décision en se fondant sur l’insuffisance des mesures prévues par le PSE. L’appel interjeté par l’UES ayant été rejeté, les sociétés ont formé un pourvoi. 

  • Moyens alloués au PSE : un groupe au sens capitalistique et au périmètre transnational

Afin de décider si le tribunal administratif a eu raison de considérer que le PSE était insuffisant, le Conseil d’Etat a dû déterminer le périmètre du groupe à prendre en compte pour apprécier les moyens attribués au PSE. 

En l’espèce, la société Squadra, qui fait partie de l’UES Tel and Com et contrôle les autres sociétés de l’UES, est elle-même contrôlée à 100 % par une holding dénommée Sarto Finances, laquelle avait son siège à l’étranger.  

Comme l’a bien expliqué le rapporteur public (1), 3 définitions du groupe à prendre en considération étaient possibles. 

  1. Une définition du groupe purement capitalistique : cette acception se réfère au I de l’article L.2331-1 du Code du travail (article sur les comités de groupe) et circonscrit le groupe aux sociétés mères et à leurs filiales (aux entreprises contrôlées).
  2. Une définition du groupe calquée sur celle prévalant pour l’institution d’un comité de groupe (L.2331-1, I et II, du Code du travail) : celle-ci permet d’inclure, au-delà des filiales, les entreprises dominées (avec lesquelles la permanence et l’importance des relations établissent l’appartenance de l’une et de l’autre à un même ensemble économique). Cette définition est celle qu’avait retenue la Chambre sociale en 2016 pour l’appréciation de la justification économique des licenciements (2).
  3. La définition consacrée par l’ordonnance du 22 septembre 2017 pour l’appréciation de la justification économique des licenciements (3), c’est-à-dire une définition capitalistique, telle que décrite ci-dessus, mais dont le périmètre est de surcroît géographiquement limité aux entreprises situées sur le territoire national.

En définitive, le Conseil d’Etat opte pour une définition proche de celle des ordonnances, sans en retenir la délimitation géographique : 

« les moyens du groupe s’entendent des moyens, notamment financiers, dont disposent l’ensemble des entreprises placées, ainsi qu’il est dit au I de l’article L.2331-1 du code du travail (…), sous le contrôle d’une même entreprise dominante (…) quel que soit le lieu d’implantation du siège de ces entreprises ». 

Par ailleurs, il faut noter que le Conseil d’Etat ne vise pas que les moyens financiers, mais « notamment » ceux-là. Il suit en cela l’avis de son rapporteur, qui évoque par exemple des moyens en termes de formation, lesquels doivent également être pris en compte. 

Nous voilà donc avec une nouvelle définition du groupe en droit du licenciement pour motif économique, propre à l’appréciation des moyens alloués au PSE et différente de celles à prendre en compte pour le reclassement des salariés et pour l’appréciation de la justification économique ! 

 

Lorsque le PSE n’est pas le résultat d’une négociation et est élaboré par l’employeur, il doit être soumis à l’administration pour homologation. Afin d’encourager les négociations et à la différence du contrôle opéré en cas d’accord (et de demande de validation), l’administration doit alors prendre en compte les moyens dont dispose l’entreprise, l’UES ou le groupe, le cas échéant, pour en apprécier le contenu (article L.1233-57-3, 1°). 

Deux définitions du groupe coexistent déjà en droit du licenciement pour motif économique, toutes deux limitées au territoire national depuis les ordonnances. L’une vaut pour l’appréciation du motif et est purement capitalistique (v. ci-dessus). L’autre, propre au groupe de reclassement, s’entend des entreprises appartenant à ce groupe défini en un sens capitalistique et limité au territoire national et « dont l’organisation, les activités et le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel » (article L.1233-4, alinéa 1er, du Code du travail). 

(1) Pour une vision complète, v. Conclusions de Frédéric Dieu, rapporteur public au Conseil d’Etat, publiées à la Semaine sociale Lamy du 19.02.18, n°1803. 

(2) Cass.soc.16.11.16, n°14-30063. 

(3) Art L.1233-3 C.trav. modifié. 

Ajouter aux articles favoris
Please login to bookmarkClose
0 Shares:
Vous pourriez aussi aimer

Avis d’extension d’un accord territorial dans la métallurgie (Eure-et-Loir)

La ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles envisage d’étendre par avis publié le 10 janvier 2025, les dispositions de l'accord du 11 décembre 2024 relatif à la détermination de la valeur de point pour le calcul de la prime d'ancienneté à compter du 1er janvier 2025, conclu dans le cadre de la convention collective nationale de la métallurgie – Loire-Atlantique (...

Avis d’extension d’un accord territorial dans la métallurgie (Somme)

La ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles envisage d’étendre par avis publié le 10 janvier 2025, les dispositions de l'accord du 26 novembre 2024 relatif à la détermination de la valeur de point pour le calcul de la prime d'ancienneté à compter du 1er novembre 2024, conclu dans le cadre de la convention collective nationale de la métallurgie – Loire-Atlantique (...

Avis d’extension d’un avenant et d’un accord de prévoyance à la CCN des entreprises de transport aérien

La ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles envisage d’étendre, par avis publié le 10 janvier 2025 les dispositions de l’avenant du 19 décembre 2024 et de l'accord du 19 décembre 2024 relatifs au régime de prévoyance du personnel non-cadre et de la définition des catégories objectives pour le bénéfice de régime de prévoyance, conclus dans le cadre de la convention collective nationale du personnel au sol des...

La transformation laitière publie sa grille de salaires minima mensuels

L'avenant n°98 du 11 janvier 2024 fixe la grille des salaires minima mensuels applicables aux salariés relevant de la convention collective nationale de la transformation laitière (IDCC 7004). Ce texte a été signé par l'organisation patronale représentative Coopération agricole laitière, ainsi que par les syndicats de salariés CFE-CGT AGRO, FGA CFDT, et FGTA FO. Il est...

La transformation laitière publie sa grille de salaires minima annuels pour les salariés

L'avenant n°96, conclu dans le cadre de la convention collective nationale de la transformation laitière (IDCC 7004), établit les salaires minima annuels pour les emplois à temps complet. Il a été signé le 11 janvier 2024 par l'organisation représentative patronale Coopération agricole laitière, et les organisations représentatives salariées CFE-CGT ARGRO, FGA CDFDT,...