Dans une France qui compte au total près de 6,5 millions de chômeurs, il semble logique que les dirigeants de l’Etat se saisissent du problème de l’emploi. Dans ce domaine, le quiquennat de François Hollande aura notamment été marqué par le “pacte de responsabilité” et par le récent “plan emploi”. Autant d’initiatives aussi coûteuses qu’à l’évidence, inutiles.
Le bilan en petite pompe du pacte de responsabilité
En janvier 2014, l’exécutif annonçait fièrement sa grande trouvaille pour lutter contre le chômage : un “pacte de responsabilité”. En contrepartie du CICE – des diminutions d’impôts et de cotisations sociales pour les entreprises – le gouvernement invitait les branches d’activité à négocier des objectifs chiffrés en matière d’emploi. Du “donnant-donnant” en quelque sorte, 41 milliards d’euros par an mis sur la table par l’Etat, contre 500000 embauches alors escomptées dans le secteur privé. Après deux ans de négociations paritaires, le Premier ministre doit réunir dans quelques jours les signataires du pacte de responsabilité afin de faire un bilan d’étape. Il n’y aura sans doute pas besoin de plusieurs heures pour faire le tour de la question.
Du côté des accords de branches, le bilan est en effet bien maigre. Selon les chiffres du ministère du Travail, hors secteur agricole, sur les 50 plus grandes branches d’activité, 14 ont signé un accord. Faisant pour une fois preuve d’optimisme – et pour cause… – le Medef évoque pour sa part 24 accords signés sur les “78” branches couvertes par ses adhérents. Ce qui, d’ailleurs, ne fait jamais qu’un peu moins d’un tiers. En termes d’emplois créés, les résultats ne sont guère plus glorieux. L’Insee évoque timidement, non sans prendre de multiples précautions, 80000 emplois qui pourraient avoir été créés en 2015 et 25000 au premier trimestre 2016. Les 6,3 ou 6,4 millions de chômeurs restants attendront bien encore un peu.
Le plan emploi : la nouvelle édition du pacte de responsabilité
Se fiant au dicton selon lequel c’est dans les vieilles marmites qu’on fait les meilleures soupes, François Hollande et Manuel Valls ont décidé, malgré le bilan peu flatteur du pacte de responsabilité, de remettre le couvert avec le “plan emploi”. Reposant à quelques exceptions près sur les mêmes ingrédients que le pacte de 2014, le plan emploi a toutes les chances d’être aussi efficace que lui en termes de réduction du taux de chômage. Pour l’exécutif, le plan emploi a néanmoins un gros avantage par rapport au pacte de responsabilité : ne supposant pas d’accords de branches, qui sont assez aisément quantifiables, son échec sautera moins clairement aux yeux du public. Pas sûr qu’un tel subterfuge soit suffisant en 2017…
En attendant, les partenaires sociaux ont tout de même joué le jeu proposé par le gouvernement. Comme en 2014, le patronat a salué les annonces gouvernementales. “Il faut les appliquer le plus vite possible” a dit Pierre Gattaz. Du côté des syndicats qui avaient signé le pacte de responsabilité : CFDT, CFTC et CFE-CGC, on soutient dans l’ensemble la démarche du plan emploi. Malgré quelques craintes quant à un “effet d’aubaine” pour la prime à l’embauche, le CICE est plébiscité. Enfin, toujours comme en 2014, la CGT et FO ont vivement dénoncé le dispositif : Jean-Claude Mailly l’a qualifié de “plan libéral accéléré”, tandis que Philippe Martinez déplorait que “le président de la République continue ce qui ne marche pas”, les “cadeaux aux entreprises”.
Des emplois de luxe pour les chômeurs français
Un bilan de l’efficience du pacte de responsabilité qui se voudrait sérieux mettrait en lien son coût et le nombre d’emplois qu’il est censé avoir contribué à créer – faisons comme si les effets d’aubaine, très souvent dénoncés par la CGT et FO lors des négociations de branches sur l’emploi, n’existaient pas. En 2015, pour les 80000 emplois créés, le coût pour l’Etat s’est élevé à environ 24 milliards d’euros. Chaque emploi créé vaut ainsi 300000 euros par an. Qui dit mieux ? Une belle promotion sociale pour les salariés embauchés grâce au pacte ! C’est sans doute pour cette raison que les dirigeants de l’Etat ont décidé de multiplier les dispositifs de ce type. François Hollande l’a bien compris : l’avenir de la France est à la grandeur.
L’activisme du gouvernement sur le front de l’emploi hautement rémunéré s’est d’ailleurs exprimé d’une autre manière ces derniers jours. A la suite de la Cour des Comptes, le président de la République lui-même, Emmanuel Macron mais aussi Jean-Marie le Guen ont récemment fait savoir aux partenaires sociaux que, selon eux, il va falloir revoir à la baisse les prestations délivrées par l’assurance chômage. Alors que la convention chômage doit prochainement être renégociée, la “majorité de gestion” de l’assurance chômage, favorable aux initiatives gouvernementales sur l’emploi, ignorera-t-elle les appels du pied de l’éxecutif ? Avec des emplois à 300000 euros par an, il est vrai que l’on peut se demander qui a intérêt à rester au chômage !