Généralisation de la complémentaire santé : le régime local en sursis

Cela n’aura échappé à personne, les entreprises doivent proposer une complémentaire santé à tous leurs salariés depuis le 1er janvier 2016. Cette réforme prévue par la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 s’impose à toutes les entreprises de France. Toutes ou presque, car un article de la récente loi relative à la modernisation du système de santé a apporté une exception pour la zone géographique Alsace-Moselle et l’enjeu de ce report est plus important qu’il ne le paraît. 

 

Le répit accordé aux entreprises d’Alsace-Moselle

La loi santé portée par Marisol Touraine et adoptée le 26 janvier 2016 a permis au Gouvernement d’adapter en catastrophe les modalités de mise en oeuvre de la réforme de la généralisation de la complémentaire santé pour les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle. En effet, ces départements spécifiques devaient initialement mettre en oeuvre cette réforme au 1er janvier 2016, comme c’est le cas dans toutes les autres zones de France. Mais leur particularité est de proposer d’ores et déjà un régime local d’assurance maladie complémentaire à tous les salariés, y compris du secteur agricole. 

Devant les difficultés rencontrées par les professionnels du secteur de la complémentaire santé et les entreprises pour s’adapter à la complémentaire santé généralisée, un article a donc été inséré au chapitre VII de la loi santé intitulé “Dispositions transitoires liées à la nouvelle délimitation des régions”, afin de reporter la mise en oeuvre de la réforme. 

L’article 197 de la loi santé propose donc d’appliquer la généralisation de la complémentaire santé au 1er juillet 2016, au lieu du 1er janvier, dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle. 

 

Un report de la réforme bénéfique ?

Ce décalage de six mois par rapport au reste de la France n’est pas dénué d’effet : les entreprises et les organismes assureurs disposeront d’un peu plus de temps pour proposer des contrats “sur-mesure”. Les spécificités du régime local seront mieux prises en compte et les prix des contrats de complémentaire santé collective devraient nécessairement s’en ressentir à la baisse. Les organismes assureurs ne devront pas non plus omettre de vérifier les accords collectifs relatifs aux frais de santé conclus dans les différentes conventions collectives afin de respecter les dispositions décidées par les partenaires sociaux. 

Le report de la généralisation de la complémentaire santé en Alsace-Moselle n’enlève toutefois aucun des autres aspects de la réforme. C’est uniquement le temps d’adaptation qui est légèrement plus étendu. Ainsi, toutes les obligations liées au contrat de complémentaire santé d’entreprise devront être respectées : une prise en charge de la cotisation par l’employeur d’au moins 50%, la proposition de garanties complémentaires respectant le panier minimum de soins dit panier ANI, le respect des différents cas de dispenses d’adhésion. 

 

Le régime local Alsace-Moselle résiste

Si ce report de la réforme a pu faire penser à certains que le régime local d’assurance maladie complémentaire obligatoire des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle allait être adapté, le rapport remis au Gouvernement en décembre 2015 ne va pas dans ce sens. 

Les prestations couvertes par le régime local d’assurance maladie continueront d’être assurées. Mais cela ne va pas sans poser de problèmes car ce régime local obligatoire est financé intégralement par les cotisations des seuls salariés. Or, une grande partie des prestations du panier ANI sont déjà couvertes par le régime local à la charge des salariés. Le régime issu de la généralisation de la complémentaire santé n’aura donc qu’à couvrir les garanties restantes. La répartition de la cotisation à 50% entre employeur et salarié ne sera effectuée que sur le régime proposé par l’entreprise. Les salariés dépendant du régime local devront alors s’acquitter d’une cotisation plus élevée que les salariés du reste de la France pour bénéficier des mêmes prestations. 

Cette inégalité de traitement entre les salariés bénéficiaires du régime local et les autres aurait pu être abordée par le Gouvernement avant le 1er juillet 2016. Mais d’après le rapport de décembre 2015, c’est le statu quo qui est choisi ! Il ne faut donc s’attendre à aucune évolution du régime local associée à une adaptation minimale des contrats collectifs proposés dans le cadre de la généralisation de la complémentaire santé : “la solution consistant à conserver des régimes locaux inchangés auxquels viendraient s’ajouter la complémentaire santé servie par les mutuelles, les instituts de prévoyance ou les sociétés d’assurance et cofinancée à hauteur d’au moins 50% par les employeurs conformément aux dispositions de la loi du 14 juin 2013, est celle que la mission estiment juridiquement la moins risquée”. 

Au 1er juillet 2016, les salariés relevant du régime local auront finalement à leur charge une cotisation plus élevée pour des prestations similaires à celles dont bénéficient les salariés non adhérents au régime local. Cette situation n’est pas pour satisfaire les gestionnaires du régime local d’Alsace-Moselle qui espèrent faire changer d’avis le Gouvernement. 

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