Cet article est issu du site du syndicat de salariés CFDT.
Par un arrêt en date du 12 janvier 2016, la Cour de cassation est venue rappeler que l’employeur ne peut se dispenser de l’obligation de faire passer la visite médicale d’embauche en invoquant l’impossibilité matérielle de la l’organiser. Quand bien même les contrats seraient des très courte durée. Cass.crim, 12.01.2016, n°14-87695
L’inspection du travail, lors d’un contrôle effectué au sein d’une entreprise exerçant une activité de « prestation d’accueil sur site », a constaté que les 294 salariés ayant travaillé en qualité « d’hôtes » n’avaient pas fait l’objet de la visite médicale d’embauche. Un procès-verbal a alors été dressé et les deux gérants de l’entreprise ont été poursuivis par le ministère public.
L’article R. 4624-10 du Code de travail prévoit en effet que le « salarié bénéficie d’un examen médical avant l’embauche ou au plus tard à l’expiration de la période d’essai par le médecin du travail ».
Au cours du procès, les gérants ont avancé l’argument selon lequel il leur avait été impossible de réaliser les visites médicales avant l’embauche des salariés dès lors que ces derniers n’étaient embauchés que pour une très faible durée, comme l’admettait d’ailleurs le centre de santé au travail auquel leur entreprise était affiliée.
De plus, ils ont invoqué le fait qu’ils avaient parfaitement accompli les diligences qui leur incombaient dans la mesure où l’envoi de la déclaration unique d’embauche à l’URSSAF entraîne automatiquement envoi d’un avis à la médecine du travail.
- L’impossibilité matérielle de réaliser les visites médicales d’embauche dispense-t-elle l’employeur de son obligation ?
Ces arguments n’ont pas convaincu la cour d’appel qui les a condamnés pour s’être rendu coupable de l’infraction d’embauche de salarié sans avoir fait procéder à la visite médicale, visée à l’article R. 4745-3 du Code du travail. La cour d’appel a en effet considéré que l’employeur devait s’assurer de l’effectivité de son obligation de sécurité en vérifiant que les salariés ont réellement bénéficié de la visite médicale d’embauche, et qu’il ne pouvait s’exonérer de cette obligation en invoquant l’impossibilité matérielle de mettre en œuvre la visite médicale.
Les employeurs ont alors décidé de se pourvoir en cassation.
Saisie du pourvoi, la chambre criminelle de la Cour de cassation a donc dû répondre à la question.
- Aucune exception légale à la visite médicale d’embauche
Par un arrêt en date du 12 janvier dernier, la Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle retient assez logiquement que l’employeur « ne pouvait se réclamer d’aucune exception légale à l’obligation posée par l’article R. 4624-10 du code du travail ».
- Obligation d’assurer l’effectivité de l’examen médical
La Cour ajoute que l’employeur doit s’assurer de l’effectivité de l’examen médical d’embauche. Il ne peut donc se dispenser de son obligation en s’appuyant sur la déclaration unique d’embauche, comprenant une demande d’examen médical d’embauche.
- Une solution à saluer, mais qui suscite quelques interrogations en pratique
On ne peut que saluer cette décision qui impose à l’employeur, quel que soit le type ou la durée du contrat, de s’assurer de l’effectivité de la visite médicale d’embauche. Elle permet aussi de rappeler le principe selon lequel tout salarié, quelle que soit la situation dans laquelle il se trouve, bénéficiera bien de cette visite.
Cependant, on peut rester perplexe quant à son application pratique. En effet, si l’on revient à l’affaire en question, les visites médicales n’ont pas eu lieu car, au moment où le service de santé au travail a été en mesure de convoquer les quelque 294 salariés concernés, la relation de travail avait pris fin ! Ainsi, dans cette affaire, il semble que le centre n’avait pas les moyens suffisants pour organiser, avant la fin des contrats, les visites médicales d’embauche.
Comment, en pratique, la visite médicale peut avoir lieu, si la médecine du travail n’est pas en capacité de répondre rapidement ?