Nouvelle analyse de l’arrêt récent de la Cour de cassation sur la désignation du délégué syndical

Cette analyse provient du site du syndicat de salariés CFDT.

 

La Cour de cassation vient préciser les modalités dans lesquelles un syndicat peut désigner un délégué syndical parmi les candidats n’ayant pas obtenu 10% des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles. Cette faculté n’est ouverte que si aucun des candidats présentés aux élections n’a atteint le seuil des 10%, ou s’il ne reste, dans l’entreprise ou l’établissement, plus aucun candidat aux élections professionnelles ayant atteint ce seuil. Cass.soc.25.11.15, n° 15-14061. 

 

Les faits 

A l’issue des élections professionnelles qui se sont déroulées au sein d’un des établissements composant l’UES Orange, l’organisation syndicale SUD PTT a désigné en qualité de délégué syndical, un candidat qui n’a pas obtenu 10% des suffrages lors des élections. Les sociétés de l’UES ont saisi le tribunal d’instance afin de demander l’annulation de cette désignation au motif que seule une carence de candidats ayant obtenu à titre personnel 10% des suffrages permettait au syndicat de désigner d’autres candidats. Ce qui n’était en l’espèce pas le cas : SUD PTT dispose de 3 candidats ayant chacun obtenu l’audience suffisante pour être désignés DS mais qui se sont finalement désistés du fait « d’un empêchement personnel ou autre ».  

Le tribunal d’instance a débouté l’UES. Il considère que le syndicat peut tout à fait se prévaloir de sa liste de candidats ayant obtenu au moins 10% pour désigner un représentant dans les établissements sans aucune condition. 

Les sociétés se sont pourvues en cassation : le désistement de candidats ayant atteint le seuil de 10%, mais toujours présents dans l’entreprise, justifie-t-il la désignation d’autres candidats ne remplissant pas cette condition d’audience ?  

Non, selon la Cour de cassation : « la fédération disposait de candidats ayant obtenu au moins 10% des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles de sorte que le délégué syndical devait être choisi parmi ceux-ci ».  

 

La nécessité d’une carence de candidat ayant obtenu 10% 

L’article L. 2143-3 al. 1 du Code du travail pose le principe selon lequel un syndicat qui envisage de désigner un délégué syndical doit le choisir parmi ses candidats aux élections professionnelles qui ont personnellement obtenu 10% des suffrages exprimés au premier tour. L’alinéa 2 du même article prévoit toutefois la possibilité pour un syndicat de désigner un DS parmi des candidats qui n’ont pas obtenu 10% ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l’entreprise ou de l’établissement. Cette faculté est ouverte dans 2 hypothèses : soit parce qu’aucun candidat présenté par l’OS n’a obtenu 10%, soit parce qu’il ne reste, dans l’entreprise, plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplisse cette condition d’audience 

Pour les juges du fond, l’empêchement invoqué par les candidats ayant obtenu 10% revenait à considérer que le syndicat n’avait ainsi pas ou plus de candidats remplissant la condition d’audience. Les dispositions subsidiaires trouvaient donc à s’appliquer : le syndicat pouvait faire valoir sa liste de candidats aux élections professionnelles ayant obtenu 10%, afin de désigner des candidats n’ayant pas atteint cette audience. La représentativité du syndicat primant finalement sur l’audience personnelle du candidat. 

La Cour de cassation a eu le raisonnement inverse. 

 

L’empêchement des candidats ne caractérise pas la carence 

Selon les Hauts magistrats ce n’est que si aucun candidat présenté par l’organisation syndicale à l’une ou l’autre de ces élections ne remplit les conditions mentionnées au premier alinéa de l’art. L. 2143-3 du Code du travail, ou s’il ne reste, dans l’entreprise ou l’établissement, plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplit ces conditions, que le syndicat peut désigner un DS parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l’entreprise. 

Pour eux, l’audience personnelle est donc, contrairement à ce qu’avancent les juges du fond, une condition première et fondamentale qui ne peut être éludée que s’il n’y a dans l’entreprise plus aucun candidat la remplissant. En l’espèce, la fédération disposait bien de 3 candidats ayant obtenu au moins 10% des suffrages exprimés. Bien qu’ils se soient déclarés “empêchés pour convenance personnelle” d’être désignés DS, ces candidats étaient toujours présents dans l’entreprise. L’empêchement invoqué ne justifiait donc pas la carence nécessaire à actionner les dispositions subsidiaires prévues à l’alinéa 2 de l’article L. 2143-3 du Code du travail. Le choix du délégué syndical ne pouvait se faire que parmi les candidats ayant obtenu au moins 10% lors des dernières élections. La solution aurait certainement été différente si ces candidats avaient quitté l’entreprise, mais ce n’était pas le cas en l’espèce. 

Certes les dispositions légales visent à garantir la présence des syndicats au sein des entreprises, en prévoyant notamment la possibilité de désigner d’autres candidats quand bien même aucun des candidats présentés par le syndicat représentatif, n’aurait obtenu à titre personnel l’audience des 10%. Mais ces dispositions n’éludent pas la nécessité de choisir prioritairement des délégués syndicaux ayant fait preuve d’une légitimité au regard du personnel. Si la solution retenue est conforme à l’esprit de la loi sur la représentativité de 2008, défendue par la CFDT, il n’en reste pas moins qu’en l’espèce elle a pour conséquence de priver l’entreprise de toute représentation syndicale. 

Dans deux arrêts rendus le 25 novembre 2015, la Cour de cassation a retenu la même solution. Dans ces arrêts il était question de candidats qui, bien qu’ayant obtenu 10% des suffrages exprimés, avaient finalement refusé d’être désignés en qualité de délégués syndical (1).  

 

 

(1) Cass. soc. 25.12.2015, n° 15-14625 et n° 15-14624. 

Ajouter aux articles favoris
Please login to bookmark Close
0 Shares:
Vous pourriez aussi aimer

Travail temporaire dans les établissements publics : les plafonds de dépenses sont fixés

Un arrêté publié au Journal officiel d'aujourd'hui, fixe les plafonds des dépenses pour les missions de travail temporaire dans les établissements publics de santé et médico-sociaux. Le plafond est établi à 2 681 € par jour pour un médecin, odontologiste ou pharmacien. Pour les autres professions, il varie entre 54 € et 78 € de l’heure : 54 € pour un infirmier diplômé d’État, 73 € pour un infirmier de bloc ou anesthésiste, 56 € pour un manipulateur en...

Services de prévention et de santé au travail : la composition des dossiers d’agrément est mise à jour

Un arrêté paru au Journal officiel d'aujourd'hui, fixe la nouvelle composition des dossiers de demande ou de renouvellement d’agrément des services de prévention et de santé au travail (SPST). Le texte distingue les pièces à fournir selon qu’il s’agit d’un service autonome, interentreprises ou chargé du suivi des travailleurs temporaires. Il précise notamment les informations relatives aux effectifs suivis, aux médecins et infirmiers recrutés ou à recruter, aux...

Comité national de l’organisation sanitaire et sociale : une nouvelle personnalité qualifiée est nommée

Un arrêté publié au Journal officiel d'aujourd'hui, actualise la composition du Comité national de l’organisation sanitaire et sociale et désigne une nouvelle personnalité qualifiée. À la section sanitaire, siègent notamment :- la Fédération hospitalière de France (4 sièges) ;- les conférences des présidents de CME de CHU, de CH et de CHS (1 siège chacune) ;- la FEHAP (1 siège) et Unicancer (1 siège) ;- la Fédération de l’hospitalisation...

Une nouvelle nomination à l’inspection générale des affaires sociales

Un arrêté publié au Journal officiel d'aujourd'hui acte la nomination d’une nouvelle personne au sein de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS). À compter du 1er octobre 2025, Nadège Grataloup, actuellement directrice d’hôpital, occupera un emploi de groupe II des services d’inspection générale ou de contrôle. Sa nomination est prononcée pour une durée de cinq ans, avec une période probatoire de six mois. ...

Le conseil d’administration de la caisse de retraite de la RATP accueille de nouveaux membres

Un arrêté publié au Journal officiel d'aujourd'hui acte plusieurs nominations au sein du conseil d’administration de la caisse de retraites du personnel de la Régie autonome des transports parisiens (RATP). Sont nommés membres titulaires : Stéphane Bidaud, qui remplace Olivier Galle, et Elisabeth Correia, qui succède à Marc Galliot. Côté suppléants, Magaly Cleuet est désignée en remplacement de Stéphane Bidaud et...