Licenciement collectif : la femme enceinte n’a pas à être surprotégée

La Cour de justice de l’Union européenne se prononcera bientôt sur la protection à réserver à la femme enceinte dans le cadre d’un licenciement collectif. L’avocat général de la CJUE vient de rendre des conclusions intéressantes dans le cadre d’une affaire espagnole. 

 

La protection de la femme enceinte au coeur d’un licenciement collectif

L’affaire espagnole soumise à la CJUE remonte à 2013. En vue d’un licenciement collectif, le comité de négociation d’une entreprise est parvenu à un accord. Cet accord est venu déterminer les critères de sélection des travailleurs à licencier ou à maintenir dans la société. 

Les deux catégories de salariés à être prioritaires pour rester en emploi étaient les couples et les employés ayant un handicap entraînant une incapacité de travail supérieure à 33%. Toute femme enceinte faisait donc partie de la catégorie de salariés à licencier. 

Une femme enceinte salariée de l’entreprise, la plaignante dans l’affaire, a été informée de son licenciement suite à l’accord du comité de négociation par lettre du 13 novembre 2013. Elle a donc été licenciée le 10 décembre 2013 avec une indemnité de licenciement conforme à l’accord conclu par le comité de négociation. 

La salariée a tenté une procédure de conciliation, sans succès. Elle a également formé un recours contre son licenciement mais le juge a statué en faveur de l’entreprise. 

C’est lors de l’appel de cette décision que le juge a posé plusieurs questions à la CJUE concernant la protection réservée à la femme enceinte dans le cadre d’un licenciement collectif. 

 

La femme enceinte n’a pas à être surprotégée

L’avocat général de la CJUE doit répondre à plusieurs questions transmises par la juridiction de renvoi espagnole. C’est sur la quatrième question qu’il faut s’arrêter. 

En effet, l’avocat général considère que la femme enceinte fait déjà l’objet de mesures protectrices qui sont propres à sa situation. En cas de licenciement collectif, elle n’a pas a faire l’objet d’une mesure de protection supplémentaire. Ainsi, les Etats membres de l’UE ne sont pas tenus de faire bénéficier à la femme enceinte d’une priorité de maintien en cas de licenciement collectif. 

Si cette surprotection n’est pas obligatoire, les Etats restent libres de la proposer. Au-delà de cette première précision, l’avocat général indique que pour être valablement licenciée, la femme enceinte doit avoir reçu fait l’objet d’un préavis de licenciement. Ce préavis doit être écrit et l’informer des motifs justifiant qu’elle peut être licenciée malgré sa grossesse. L’employeur est donc tout de même tenu de veiller à ne louper aucune étape. 

L’employeur doit donc être capable de prouver deux choses. D’abord, qu’il n’a pas pu reclasser la femme enceinte à un poste convenant à sa situation. Ensuite que la situation est exceptionnelle, sans rapport avec l’état de la femme et autorisé par la législation nationale. On comprend vite que si la femme enceinte n’est pas surprotégée, elle reste encadrée par des mesures protectrices. 

Une dernière chose mérite notre attention dans ces conclusions. L’avocat général de la CJUE rappelle que les Etats membres sont obligés de proposer une protection préventive contre le licenciement illégal de la femme enceinte, mais aussi une protection réparatrice contre les effets de ce licenciement illégal. Cela pourrait avoir des conséquences pour les Etats qui ne proposeraient que l’une ou l’autre de ces protections, ce qui a l’air d’être le cas de l’Espagne. 

 

Que dit le droit européen ?

L’article 2, a) de la directive maternité définit : 

« la travailleuse enceinte » comme étant toute travailleuse enceinte qui informe l’employeur de son état, conformément aux législations ou pratiques nationales. 

 

L’article 10 de la directive maternité dispose : 

« En vue de garantir aux travailleuses, au sens de l’article 2, l’exercice des droits de protection de leur sécurité et de leur santé reconnus dans le présent article, il est prévu que : 

  1. sauf dans les cas d’exception non liés à leur état, admis par les législations et/ou pratiques nationales et, le cas échéant, pour autant que l’autorité compétente ait donné son accord […]. »

 

L’article 1er, paragraphe 1, a) de la directive sur les licenciements collectifs précise : 

« sont assimilées aux licenciements les cessations du contrat de travail intervenues à l’initiative de l’employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne des travailleurs, à condition que les licenciements soient au moins au nombre de cinq. » 

 

Pour accéder au texte des conclusions de l’avocat général, cliquez sur ce lien

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