Les relations sociales se tendent dans la banque – 24/11/2014

Les employeurs de la banque durcissent le ton face aux syndicats et au gouvernement en reportant des négociations sur le pacte de responsabilité. Plus généralement, depuis quelques mois, les relations sociales du secteur bancaire, qui font pourtant traditionnellement peu parler d’elles, connaissent un sérieux durcissement. 

Des relations de travail tendues dans les entreprises 

En juin 2014, le SNB, fédération CFE-CGC de la banque, publiait une étude sur les risques psychosociaux encourus par les salariés des entreprises bancaires. Les résultats laissaient apparaître un malaise chez les 6000 sondés. Par exemple, 73 % d’entre eux déclaraient faire face à « une quantité excessive de travail », environ la moitié considérait ne pas disposer des informations nécessaires pour bien faire son travail, une même proportion regrettait la disparition de l’autonomie au travail et enfin, un tiers redoutait de perdre son emploi. 

Régis Dos Santos, le président du SNB, en a profité pour rejeter la faute sur les directions d’entreprise : « Nous mettrons en cause la responsabilité individuelle des dirigeants qui auront mis en danger la santé physique et morale des salariés. Car nous avons devant nous trois à cinq ans de réductions importantes d’effectifs dans le secteur, avec des conséquences qui peuvent être dramatiques ». Il fallait espérer que la perspective des vacances d’été allait permettre d’assainir l’ambiance. De fait, il n’en fut rien ! 

Usages et mésusages du CICE 

Dès la fin du mois de juillet, le SNB, décidément très actif dans une branche où la concurrence avec la CFDT fait rage, portait à nouveau l’estocade contre les employeurs de la branche. Il les accusait cette fois de faire un bien mauvais usage du Crédit d’Impôt Compétitivité Emploi (CICE). 

Alors que les établissement bancaires ont perçu 135,5 millions d’euros au titre du CICE, le SNB les accuse d’avoir profité d’un « effet d’aubaine ». Les représentants des salariés revendiquaient notamment l’utilisation des fonds du CICE à des fins de sécurisation de l’emploi dans le secteur bancaire et d’amélioration des conditions de travail. Or, selon eux, le patronat bancaire aurait utilisé le CICE afin de régler des dépenses d’investissement réalisées sur « des projets déjà engagés et budgétés ».  

Ce ne sont pas les justifications fournies par les établissements bancaires qui ont convaincu les syndicats du contraire. Le Crédit Mutuel, qui a le plus bénéficié du CICE, avec 40,2 millions d’euros d’économies d’impôts, indique que cet argent a été affecté à des recherches de « nouvelles technologies », « de nouveaux services » et de « nouveaux marchés ». De la même manière, la BNP Paribas explique que les 26 millions d’euros d’impôts qu’elle a économisés lui ont permis de financer « l’amélioration de la compétitivité ». Avec le même montant économisé, la Société Générale affirme avoir effectué des investissements « mobiliers et immobiliers », des « études » et des « dépenses informatiques ». En réalité, les dirigeants des banques françaises ont donc préféré ne pas répondre aux accusations et demandes d’explication des représentants des salariés, au risque de détériorer plus encore les relations qu’ils entretiennent avec eux. 

La riposte musclée du patronat bancaire 

Les oppositions internes au patronat concernant l’attitude à adopter face au gouvernement, qui sont récemment apparues au grand jour, permettent de mieux comprendre la posture du patronat bancaire. Il semble qu’il faille placer ce dernier – regroupé au sein de l’Association Française des Banques (AFB) et de la Fédération Bancaire Française (FBF) – parmi les tenants de la ligne dure au sein du MEDEF, aux côtés notamment de la Fédération Française du Bâtiment. 

Ces deux professions s’imagineraient bien en porte-paroles des patrons de PME et TPE, de plus en plus exaspérés par la politique économique du pays. N’entendant plus faire de concession au gouvernement ou aux syndicats de salariés, les dirigeants du secteur bancaire appliquent cette politique dans leur propre branche. 

La semaine dernière, cette tendance a de nouveau été confirmée par le report sine die, à la demande de l’AFB, des négociations sur le pacte de responsabilité. Dénonçant l’augmentation des prélèvements de 900 millions d’euros sur trois ans que subirait le secteur bancaire en application du projet de loi de finances rectificative 2014, les responsables de l’AFB ont dit vouloir « disposer du temps nécessaire pour faire une évaluation précise de ces mesures et de leur impact », avant de « fixer une prochaine date » pour la reprise des négociations. Face à ce mouvement de recul, c’est l’escalade côté syndical. Alors que la CFDT s’inquiète pour l’emploi dans la profession, le SNB fustige la « condescendance inadmissible » des responsables de l’AFB. 

En somme, entre un patronat et des syndicats en concurrence, chacun de leur côté, pour l’obtention du trophée de la radicalité, l’état d’esprit n’est clairement pas au dialogue social apaisé dans la profession. 

 

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