Les conditions d’ouverture des élections professionnels aux cadres dirigeants

Cet article a été initialement publié sur le site du syndicat CFDT.

 

 

Par deux arrêts, la Cour de cassation est venue préciser les conditions dans lesquelles des cadres dirigeants sont susceptibles d’être éligibles ou électeurs aux élections des représentants du personnel au sein d’une entreprise. Cass. Soc. 15.04.15, n° 14-20237 et 14-19782. 

 

  • Faits et procédure

Le contexte est identique dans les deux affaires : des élections des représentants du personnel sont organisées au sein de chacune des sociétés. 

Dans la première affaire, le directeur général adjoint de la société s’est porté candidat pour le second tour des élections prévu en juin 2014. La société conteste la candidature. Le tribunal d’instance fait droit à sa demande : le salarié a effectivement représenté la direction lors de diverses réunions d’instances représentatives du personnel (CE, CHSCT) en 2011, puis en juin 2013. Pour le tribunal, cette représentation ayant persisté jusqu’au jour des élections, le salarié n’est pas éligible. De son côté, le salarié, considère que l’éligibilité s’apprécie à la date des élections, date à laquelle, il n’avait pas représenté la direction depuis juin 2013. Il se pourvoit en cassation. 

La Cour de cassation confirme le jugement du tribunal : peu importe que le salarié n’ait pas représenté la direction aux réunions du CE dans l’année précédant les élections, le pouvoir de représentation persistait bel et bien à la date de l’élection. 

Dans la seconde affaire, le cadre supérieur d’un Casino se trouve radié de la liste électorale par le tribunal d’instance. Pour les juges, non seulement le cadre est membre du conseil d’administration et participe « de ce fait, aux pouvoirs de l’employeur », mais il a par ailleurs été amené à deux reprises, à remplacer le directeur responsable auprès de l’autorité policière par des courriers le désignant « apte à remplir en ses lieu et place les obligations qui lui incombent ».Considérant ces écrits comme une délégation particulière d’autorité, les juges du fond ont assimilé le cadre à l’employeur et ont estimé qu’à ce titre, il ne pouvait figurer sur la liste électorale. 

La Cour de cassation ne suit pas les juges du fond qui, selon elle, auraient dû « rechercher (…) si la délégation consentie au salarié ne se limitait pas à un transfert de responsabilités imposé par la règlementation des jeux (…) distincte d’une délégation écrite particulière d’autorité lui permettant d’être assimilé à l’employeur ». Elle annule ainsi la radiation de la liste électorale du salarié cadre et renvoie l’affaire devant une juridiction du fond afin de vérifier la portée de la délégation. 

 

  • Le principe : on ne peut être à la fois juge et partie

Pour des raisons évidentes liées à l’éthique, on ne peut à la fois représenter l’employeur et participer à l’élection des personnes qui sont chargées de défendre les intérêts des salariés, voire d’être éligible. Aussi, pendant de nombreuses années, dès lors que le salarié détenait des pouvoirs inhérents au chef d’entreprise, la Cour de cassation l’assimilait à celui-ci et l’excluait de l’électorat ou de l’éligibilité aux fonctions d’élus du personnel. 

 

  • Une exception pour certains cadres dirigeants

La jurisprudence est venue peu à peu préciser et restreindre les cas d’exclusions en admettant depuis, que les salariés ne pouvant pas exercer un mandat de représentation du personnel sont :- les salariés détenant une délégation particulière d’autorité établie par écrit permettant de les assimiler à l’employeur (1) ;- et les salariés qui représentent effectivement l’employeur devant les institutions représentatives (2). 

Par ces arrêts, la Cour de cassation affine ainsi l’interprétation qu’il convient de faire de ces cas d’exclusions. Le salarié est considéré comme représentant de l’employeur quand bien même à la date des élections, il n’a pas représenté la direction lors des réunions des institutions représentatives du personnel ayant précédé le scrutin. 

Il convient par ailleurs, de ne pas s’arrêter au critère purement formel que constitue une délégation écrite particulière d’autorité, pour exclure certains salariés de l’électorat. Encore faut-il que cette délégation confère à l’intéressé des pouvoirs qui permettent réellement de l’assimiler à l’employeur. 

Si l’ouverture des élections professionnelles à certains cadres dirigeants favorise une plus grande participation des salariés au sein de l’entreprise (droit de vote, éligibilité), le risque que ces candidatures aient en réalité été «organisées» par l’employeur demeure. Afin d’éviter le conflit d’intérêts et de préserver le rôle des représentants du personnel, il convient donc rester de vigilant au cas par cas… 


(1) Cass. Soc. 6 mars 2001, n° 99-60553(2) Cass. Soc. 12 juillet 2006, n° 05-60300 

 

Ajouter aux articles favoris
Please login to bookmark Close
0 Shares:
Vous pourriez aussi aimer
protection sociale
Lire plus

Budget social : les hauts conseils de la Sécurité sociale ont publié leur rapport

Il était attendu, étant donné l'état pour le moins dégradé des finances publiques : le rapport des trois hauts conseils de la Sécurité sociale - haut conseil au financement de la protection sociale, HCFiPS, haut conseil pour l’Avenir de l’assurance maladie, HCAAM, et haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, HCFEA – sur le rééquilibrage des comptes sociaux, et notamment de ceux de la santé, ...

Travail temporaire : un décret encadre les dépenses des établissements publics

Un décret du 2 juillet 2025, publié au Journal officiel du 3 juillet, encadre les dépenses liées aux missions de travail temporaire dans les établissements publics de santé ainsi que dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux. Le texte prévoit que le plafonnement des dépenses s’applique à une catégorie de professionnels lorsque le coût moyen d’une mission d’intérim excède d’au moins 60 % celui d’un professionnel permanent. Cette...

Une nouvelle nomination à la direction générale de la santé

La nomination d’un nouveau directeur général de la santé est officialisée par un décret du 2 juillet 2025, publié au Journal officiel le 3 juillet. Il s’agit de Didier Lepelletier, professeur des universités et praticien hospitalier, qui prend la tête de la direction générale de la santé à compter du 3 juillet 2025. Retrouvez le décret complet...