La CFDT s’interroge sur le repos hebdomadaire obligatoire

Cette publication provient du site du syndicat CFDT

 

Le droit de l’Union européenne impose pour tout travailleur une période minimale de repos de 24 heures au cours de chaque période de 7 jours. Comment alors interpréter la notion de « chaque période de 7 jours » ? Signifie-t-elle que le repos doit être accordé au plus tard le jour suivant les 6 jours de travail consécutifs ? Non, selon la CJUE, le repos peut être accordé à n’importe quel moment au cours de chaque période de sept jours. CJUE, 09.11.17, C-306/6. 

  • Les faits

L’affaire se déroule au Portugal au sein d’un casino. Dans cet établissement, tous les salariés bénéficient de 2 jours de repos hebdomadaires consécutifs et, depuis 2010, la société a fait en sorte que les employés ne travaillent pas plus de 6 jours consécutifs.Or, il se trouve qu’avant cette date (en 2008 et 2009), l’un des salariés a été amené à travailler pendant 7 jours consécutifs. Licencié en 2014, celui-ci saisit la justice afin de faire constater que la société ne lui avait pas accordé les jours de repos hebdomadaires obligatoires auxquels il avait droit. 

Débouté par les juges du fond, le requérant fait appel. Selon lui les dispositions nationales (portugaises) doivent être interprétées au regard de l’article 5 de la directive 2003/88 (1) et des conventions n° 14 et 106 de l’OIT(2) qui imposent d’accorder un jour de repos au plus tard après 6 jours de travail consécutifs. En d’autres termes, les 7èmes jours travaillés auraient dû lui être accordés en repos ou être rémunérés comme des heures supplémentaires. 

Dans le doute quant à l’interprétation de cet article 5, la cour d’appel de Porto décide de surseoir à statuer pour poser la question suivante à la Cour de justice de l’Union européenne : 

La période minimale de repos hebdomadaire sans interruption de 24 heures à laquelle le travailleur a droit doit-elle être accordée au plus tard le jour qui suit une période de 6 jours de travail consécutifs ? 

Non, répond la CJUE qui contredit ainsi le salarié : le droit de l’Union exige non pas que la période minimale de repos hebdomadaire soit accordée au plus tard le jour qui suit une période de 6 jours de travail consécutifs, mais impose que celle-ci soit accordée à l’intérieur de chaque période de 7 jours(3). 

  • Un repos minimal pour chaque période de 7 jours imposé par le droit de l’Union européenne

La finalité de la directive est de protéger de façon efficace la sécurité et la santé des travailleurs. Pour ce faire, elle établit des normes minimales de protection du travailleur en matière d’aménagement du temps de travail. Chaque travailleur est ainsi soumis à une durée maximale de travail et doit bénéficier de périodes de repos adéquates. 

Aux termes de l’article 5 de cette directive, tout travailleur « bénéficie, au cours de chaque période de 7 jours, d’une période minimale de repos sans interruption de 24 heures, auxquelles s’ajoutent 11 heures de repos journalier»(4)

La difficulté porte ici sur l’interprétation des termes « au cours de chaque période de 7 jours ». 

Pour le salarié, cette disposition signifie que l’employeur a l’obligation d’accorder au moins un jour de repos hebdomadaire dès que 6 jours consécutifs ont été travaillés. En d’autres termes, il n’est pas possible de faire travailler un salarié plus de 6 jours consécutifs. 

Pour l’entreprise portugaise au contraire, ni le droit de l’Union, ni la législation nationale n’imposent une limitation des jours de travail consécutifs. Son obligation se limite à faire bénéficier chaque salarié d’une période de repos minimale pour chaque période de 7 jours. Le repos minimal peut donc être accordé à tout moment au cours de cette période de 7 jours et non pas obligatoirement le 7ème jour. 

  • Un repos qui peut être pris à tout moment à l’intérieur de cette période

La CJUE n’a pas la même interprétation que le salarié. Elle considère au contraire que l’article 5 impose seulement que le repos soit accordé à l’intérieur de chaque période de 7 jours, à tout moment et pas forcément le 7ème jour. Elle s’explique ainsi : 

– l’expression « au cours de chaque période de sept jours » ne fait aucun renvoi au droit national des États membres. Il s’agit donc d’une notion autonome du droit de l’Union, qui doit être interprétée de manière uniforme et ce, quelles que soient les qualifications retenues par les Etats membres. 

– l’article 5 ne précise pas le moment auquel doit intervenir cette période minimale de repos et confère ainsi aux Etats membres une certaine latitude quant au choix dudit moment. 

– la période de 7 jours peut être considérée comme une période de « référence » : elle constitue une période fixe à l’intérieur de laquelle un certain nombre d’heures consécutives de repos doivent être accordées, indépendamment du moment où ces heures de repos sont octroyées(5). 

– si la Directive impose des normes minimales en vue de protéger la sécurité et la santé des travailleurs (24h de repos minimum chaque période de 7 jours), elle laisse toutefois une certaine marge d’appréciation aux Etats membres quant à l’aménagement de ces règles (liberté de fixer le moment, à l’intérieur de cette période où ce repos pourra être accordé). Une règlementation nationale peut donc tout à fait ne pas prévoir de jours de repos après 6 jours de travail consécutifs, pour autant que le salarié bénéficie de son repos minimal de 24h (plus 11h de repos journalier) à l’intérieur de chaque période de 7 jours et qu’il n’excède pas les durées maximales de travail. 

– les Etats membres peuvent toujours prévoir des dispositions plus favorables. En l’espèce, l’interprétation peut tout à fait bénéficier au salarié dans la mesure où il peut cumuler plusieurs jours de repos en les accolant en fin de période de référence et au début de la suivante. 

Aussi malheureuse soit-elle pour le salarié, l’interprétation faite par la Cour de justice des dispositions de la directive nous paraît, à la lecture des textes du droit de l’Union européenne, peu contestable. Pour autant, cette norme minimale, qui peut potentiellement amener un salarié à travailler 12 jours consécutifs est-elle suffisamment protectrice de la sécurité et la santé des travailleurs ? 

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