Cette publication provient du site du syndicat de salariés FO.
Dans une décision publiée le 1er juin 2022 (n°20-22860), la Cour de cassation apporte des précisions sur l’articulation entre la confidentialité du vote et le respect des principes généraux du droit électoral.
Dans cette affaire, une entreprise avait organisé des élections professionnelles, et avait choisi de procéder à un scrutin uniquement par voie électronique.
La difficulté est qu’une grande partie des électeurs du collège « employés » ne parvenait pas à se connecter sur la plateforme de vote.
Les salariés avaient donc demandé à ce qu’il leur soit permis d’accéder à ladite plateforme au moyen d’ordinateurs appartenant à la société qui leur seraient alors prêtés, ou en leur permettant l’accès à la plateforme de vote depuis leur propre ordinateur personnel, qu’ils utiliseraient dans l’entreprise. En effet, les salariés concernés ne disposaient pas d’un poste de travail dans les locaux de la société.
Soucieux, selon lui, de garantir la confidentialité du scrutin, l’employeur avait considéré que l’utilisation d’ordinateurs de l’entreprise ou d’ordinateurs personnels par les salariés ne permettait pas de garantir la confidentialité du scrutin notamment au regard des données transmises, notamment de celles des fichiers constitués pour établir les listes électorales des collèges électoraux, ainsi que la sécurité de l’adressage des moyens d’authentification, de l’émargement, de l’enregistrement et du dépouillement des votes
. Il avait donc interdit une telle utilisation d’ordinateurs aux salariés qui l’avaient alerté de ce problème. Ces derniers avaient été en conséquence dans l’impossibilité d’exercer leur droit de vote.
Des syndicats saisissent le tribunal judiciaire d’une demande d’annulation des élections professionnelles. Les premiers juges font droit à leur demande. L’employeur se pourvoit alors en cassation.
Le respect de la confidentialité du vote peut-il justifier l’exclusion d’une partie des salariés du scrutin ?
La Cour de cassation répond à cette question par la négative. Elle commence par rappeler la possibilité pour l’employeur de procéder au vote électronique sur le fondement de l’article L 2314-26.
Elle ajoute que si, selon les articles R 2314-5 et R 2314-6, le recours au vote électronique est possible pour les élections professionnelles, c’est à la condition que le système retenu assure la confidentialité des données transmises, notamment de celles des fichiers constitués pour établir les listes électorales des collèges électoraux, ainsi que la sécurité de l’adressage des moyens d’authentification, de l’émargement, de l’enregistrement et du dépouillement des votes.
Mais attention, le respect de ces exigences ne se fait pas au détriment des principes généraux du droit électoral (Cass. soc., 3-10-18, n°17-29022) ! Or, en cherchant à respecter la confidentialité du scrutin, l’employeur a, en l’espèce, porté une atteinte au principe général d’égalité face à l’exercice du droit de vote. Les salariés qui n’ont pas eu accès à la plateforme dans les conditions initialement prévues, ont été exclus du scrutin, sans qu’aucun aménagement du vote ne leur soit proposé.
La Cour de cassation confirme donc la position du juge du fond. L’employeur, alerté des problèmes d’accès à la plateforme aurait dû s’assurer que l’ensemble de ses salariés pourraient avoir accès à un matériel permettant d’exercer leur droit de vote. Il aurait dû mettre en place des procédés permettant de pallier le défaut d’accès de ses [salariés] au matériel de vote, comme, par exemple, la mise en place dans ses établissements des terminaux dédiés au vote électronique avec un protocole garantissant la sécurité et la confidentialité des votes
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En s’abstenant de procéder à de tels aménagements, les juges ont constaté que la société n’avait pas pris les précautions appropriées pour que ne soit écartée du scrutin aucune personne ne disposant pas du matériel nécessaire ou résidant dans une zone non desservie par internet, ce dont il résultait une atteinte au principe général d’égalité face à l’exercice du droit de vote, constituant à elle seule une cause d’annulation du scrutin, quelle que soit son incidence sur le résultat
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Cet arrêt érige en principe général du droit électoral l’égal accès au droit de vote de tous les salariés, quelles que soient les modalités du scrutin. En cas de mise en place d’un scrutin électronique lors des élections professionnelles l’employeur doit s’assurer que l’ensemble de ses salariés pourront avoir accès à un matériel permettant d’exercer leur droit de vote.