Cet article a été initialement publié sur le site du syndicat de salariés CFDT.
Nous étudierons ici le droit à indemnisation par l’assurance chômage en cas de démission. Si le Gouvernement a repris le mécanisme des démissions dites « légitimes », à partir du 1er novembre 2019 entre en vigueur un nouveau cas d’indemnisation : celui d’une démission pour projet professionnel, ou projet de reprise, ou création d’entreprise.
“Au revoir président !“
La mesure annoncée de longue date comme « un droit à la démission » va enfin entrer en vigueur à partir du 1er novembre 2019 suite à la publication dans l’été de deux décrets relatifs à l’assurance chômage (1). Si l’assurance chômage couvre l’aléa de la perte involontaire d’emploi, rappelons que le versement de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) a très tôt été admis pour certaines démissions considérées comme légitimes.
- Les démissions légitimes
Le Gouvernement a repris par décret le mécanisme des « démissions légitimes », c’est à dire assimilées à une perte involontaire d’emploi. Un nouveau cas a été ajouté : « la démission d’un assistant maternel qui fait suite au refus de l’employeur de faire vacciner son enfant ” (2).
On peut distinguer parmi les démissions légitimes principales :
-celles tenant à la vie privée,
-celles tendant à encourager une meilleure stabilité d’emploi,
-celles découlant d’un manquement grave de l’employeur,
-celles qui s’inscrivent dans un projet de reprise d’entreprise non fructueux,
– celles pour effectuer un service civique, ou un volontariat de solidarité internationale.
Conditions tenant à la vie privée :
- Conditions relatives au couple
– La démission du salarié pour suivre son conjoint qui change de lieu de résidence pour exercer un nouvel emploi : le nouvel emploi peut notamment être occupé à la suite d’une mutation au sein d’une entreprise, résulter d’un changement d’employeur décidé par l’intéressé ou correspondre à l’entrée dans une nouvelle entreprise par un travailleur qui était antérieurement privé d’activité.
– La démission du salarié dont le départ s’explique par son mariage ou la conclusion d’un pacte civil de solidarité entraînant un changement de lieu de résidence dès lors que moins de 2 mois s’écoulent entre la date de la démission ou de la fin du contrat de travail et la date du mariage (ou de la conclusion du pacte civil de solidarité).
- Conditions relatives aux violences conjugales
La démission intervenue pour cause de changement de résidence justifié par une situation où le salarié est victime de violences conjugales et pour laquelle il a déposé une plainte auprès du procureur de la République.
- Conditions relatives aux enfants
– La démission du salarié qui rompt son contrat de travail pour suivre son enfant handicapé admis dans une structure d’accueil dont l’éloignement entraîne un changement de résidence.
– La démission du salarié âgé de moins de 18 ans pour suivre ses ascendants ou la personne qui exerce l’autorité parentale
– La démission du salarié âgé d’au moins 18 ans, placé sous sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle, qui rompt son contrat de travail pour suivre son parent désigné mandataire spécial, curateur ou tuteur.
Pour FAVORISER LA stabilité dE L’emploi :
- La rupture à l’initiative du salarié d’un contrat d’insertion par l’activité pour exercer un nouvel emploi ou pour suivre une action de formation. La rupture à l’initiative du salarié d’un contrat unique d’insertion – contrat initiative emploi à durée déterminée ou d’un contrat unique d’insertion – contrat d’accompagnement dans l’emploi pour exercer un emploi sous contrat de travail à durée déterminée d’au moins six mois ou sous contrat de travail à durée indéterminée ou pour suivre une action de formation qualifiante.
- La rupture volontaire d’un contrat de travail, par un salarié justifiant d’une période d’emploi totalisant 3 années d’affiliation continue au régime d’assurance chômage, en vue de reprendre une activité salariée à durée indéterminée, concrétisée par une embauche effective, à laquelle l’employeur met fin avant l’expiration d’un délai de 65 jours travaillés.
Pour manquement grave de l’employeur :
- La démission intervenue pour cause de non-paiement des salaires pour des périodes de travail effectuées, à condition que l’intéressé justifie d’une ordonnance de référé lui allouant une provision de sommes correspondant à des arriérés de salaires.
- La démission intervenue à la suite d’un acte susceptible d’être délictueux dont le salarié déclare avoir été victime à l’occasion de l’exécution de son contrat de travail et pour lequel il justifie avoir déposé une plainte auprès du procureur de la République.
Pour faire un service civique ou un volontariat de solidarité internationale :
S’agissant des contrats de volontariat de solidarité internationale, la démission est légitime lorsque le contrat de volontariat est conclu pour une ou plusieurs missions de volontariat d’une durée continue minimale d’un an. L’interruption de la mission avant l’expiration de la durée minimale d’engagement prévue initialement et spécifique à chaque forme de service civique ne fait pas obstacle à la mise en œuvre de cette disposition.
Pour un projet de reprise d’entreprise dont l’activité a cessé :
Est indemnisée la démission d’un salarié qui a quitté son emploi et n’a pas été admis au bénéfice de l’allocation, pour créer ou reprendre une entreprise dont l’activité a donné lieu aux formalités de publicité requises par la loi, et dont l’activité cesse pour des raisons indépendantes de la volonté du créateur ou du repreneur.
Que se passe-t-il si la démission n’est pas reconnue légitime ?
Si l’instance paritaire régionale de Pôle emploi n’admet pas la démission comme légitime, alors le salarié démissionnaire dont le chômage se prolonge peut demander un réexamen de sa situation après 121 jours de chômage. Sous réserve de remplir les autres conditions d’ouverture des droits, d’apporter des éléments attestant de ses recherches actives d’emploi et d’en faire la demande, il pourra être admis au bénéfice de l’allocation d’assurance. Dans ce cas, le point de départ du versement des allocations sera fixé au 122e jour suivant la fin de contrat de travail au titre duquel les allocations lui avaient été refusées. Ce point de départ ne peut être en aucun cas antérieur à l’inscription comme demandeur d’emploi (article 46 bis annexe A du décret sur le règlement d’assurance chômage).
- La “nouvelle” démission pour projet professionnel
Ce nouveau cas permettant de bénéficier de l’assurance chômage n’a pas été traité comme une démission légitime. Ce n’est donc pas une exception, mais un droit autonome.
Il y a des conditions strictes à remplir avant même de poser sa démission et après la démission pour ne pas perdre le bénéfice de l’ARE !
-Conditions à remplir avant de poser sa démission.
Le salarié doit avoir travaillé au moins 1 300 jours au cours des 60 mois qui précèdent la fin du contrat de travail (3). Il sera ainsi recherché sur les 5 dernières années la condition d’activité auprès d’un ou plusieurs employeurs.
La démission doit être exercée en vue d’un projet de reconversion professionnelle nécessitant le suivi d’une formation ou d’un projet de création ou de reprise d’une entreprise présentant un caractère réel et sérieux attesté par une commission paritaire interprofessionnelle régionale.
En pratique, avant la démission, le salarié doit demander un conseil en évolution professionnelle auprès de l’organisme de son choix (sauf pôle Emploi).
L’organisme est chargé de l’informer le cas échéant des droits qu’il peut mobiliser pour éventuellement mettre son projet en œuvre sans démissionner et d’établir le projet de reconversion professionnelle (4).
-Conditions à remplir après la démission
Pour pouvoir être indemnisé, le salarié doit faire une demande d’attestation du caractère réel et sérieux de son projet professionnel à la commission paritaire interprofessionnelle régionale de son lieu de résidence principale ou de son lieu de travail (5). Cette demande peut avoir lieu par tout moyen permettant de donner date certaine à la réception par la commission.
Un arrêté du ministre chargé de l’emploi devrait rapidement préciser le contenu de la demande d’attestation et la liste des pièces justificatives devant être transmis par le salarié.
Quelles sont les critères de la décision de la commission paritaire régionale ? La commission régionale procède à l’examen du dossier du salarié et se prononce sur le caractère réel et sérieux de son projet professionnel, dont les modalités sont différentes selon qu’il s’agisse d’une reconversion professionnelle ou d’un projet de reprise ou de création d’entreprise.Pour les projets de reconversion professionnelle nécessitant le suivi d’une formation, la commission examine la cohérence, la pertinence et la connaissance par le salarié des informations suivantes :
– le projet de reconversion ;
– les caractéristiques du métier souhaité ;
– la formation envisagée et les modalités de financement envisagées ;
– les perspectives d’emploi à l’issue de la formation.
Pour les projets de création ou de reprise d’une entreprise, la commission examine la cohérence, la pertinence et la connaissance par le salarié des informations suivantes :
– les caractéristiques et les perspectives d’activité du marché de l’entreprise à créer ou à reprendre ;
– les besoins de financement et les ressources financières de l’entreprise à créer ou à reprendre ;
– les moyens techniques et humains de l’entreprise à créer ou à reprendre.
- Les recours en cas de refus de délivrer l’attestation :
La commission paritaire interprofessionnelle régionale notifie sa décision au salarié par tout moyen donnant date certaine à la réception de cette notification et l’informe, le cas échéant, des raisons motivant le refus d’attester du caractère réel et sérieux de son projet professionnel. Elle l’informe également de la possibilité d’exercer un recours gracieux contre cette décision, dans un délai de deux mois à compter de sa notification (6).
Le recours est examiné par une instance paritaire de recours créée au sein de la commission paritaire interprofessionnelle régionale par son conseil d’administration.
La décision prise sur le recours gracieux est notifiée au salarié dans un délai de deux mois à compter de la date de dépôt du recours. En cas de confirmation du rejet, elle est motivée.
- Les conséquences de l’acceptation du projet professionnel
En cas d’attestation par la commission paritaire interprofessionnelle régionale du caractère réel et sérieux de son projet professionnel, le salarié dispose d’un délai de six mois à compter de la notification de la décision pour déposer auprès de Pôle emploi une demande d’allocation d’assurance (7).
Attention, l’acceptation ne signifie pas que le salarié percevra son indemnité jusqu’à l’épuisement de ses droits ! En effet Pôle emploi contrôlera « la réalité des démarches accomplies en vue de la mise en œuvre du projet professionnel » au plus tard à l’issue d’une période de 6 mois suivant l’ouverture du droit à l’allocation d’assurance (8). A défaut, le revenu de remplacement pourra être supprimé pour une durée de 4 mois consécutifs (9).
Vous l’aurez compris, ce nouveau cas d’indemnisation répond à des conditions de recevabilité très strictes. Le mécanisme est certes nouveau et populaire, mais il faut rappeler que la CFDT, qui n’était pas demandeuse, a obtenu, dans l’accord national interprofessionnel du 22 février 2018 relatif à l’assurance chômage, que l’allocation versée soit du même montant que celle des salariés privés involontairement d’emploi et que des gardes fous soient mis en place pour ne pas inciter à une démission sur un coup de tête.
[1] Décret n° 2019-796 du 26 juillet 2019 relatif aux nouveaux droits à indemnisation, à diverses mesures relatives aux travailleurs privés d’emploi et à l’expérimentation d’un journal de la recherche d’emploi / Décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 relatif au régime d’assurance chômage [2] Art.2 Annexe A du décret règlement d’assurance chômage [3] Art 4 g) de l’annexe A du décret relatif à l’assurance chômage [4] Article L5422-1-1 [5] Art. R. 5422-2-1 [6] Art. R. 5422-2-2 [7] R. 5422-2-3 [8] L.5426-1-2 [9] R. 5426-3