Derrière leur image hyperconcentrée, les traders n’en restent pas moins de fervents supporters. A tel point que le nombre d’échanges financiers à tendance à diminuer durant les rencontres internationales lors de la Coupe du Monde.
Derrière leurs costumes trois pièces, leur attachés-caisses et leurs écrans d’ordinateurs, les traders n’en restent pas moins des hommes. Et parfois, des amoureux de football. A tel point qu’en période de Coupe du Monde, certains passent plus de temps à jongler avec les retransmissions des matchs plutôt qu’avec les cours de la bourse. Et ce sont les échanges financiers qui en pâtissent.
Traders, un supporter comme un autre
En tous cas, c’est ce qu’il s’est passé durant les deux dernières éditions. D’après les données de l’agence Thomson Reuters, l’édition 2014 a particulièrement distrait les traders du monde entier.
On observe que le 30 juin 2014, où étaient opposée en 8e de finale la France au Nigéria et l’Allemagne à l’Algérie, le nombre d’échanges concernant l’indice S&P 500 a chuté, passant sous la barre des 2 millions. Un an auparavant, plus de 3 millions d’échanges étaient réalisés. De même, en 2015, près de 2,2 millions d’échanges étaient constatés.
Je me souviens qu’on s’était battu alors pour que des téléviseurs retransmettent les matchs.
Eric Valatini, trader
Ces statistiques sont encore plus basses lors de la journée du 1 juillet 2014 où l’Argentine était opposée à la Suisse. Mais surtout, la Belgique affrontait les Etats-Unis.
Mais la bourse américaine n’est pas la seule concernée. L’indice Bovespa, indice phare de la bourse de São Paulo ou l’indice allemande Dax, ont aussi souffert du chauvinisme des traders.
Un but, c’est 5% d’échanges en moins
En 2012, la Banque centrale Européenne publiait déjà un rapport très sérieux sur le lien entre Coupe du Monde et Bourses mondiales. Ainsi, l’étude nommée « The pitch rather than the pit« (Le terrain plutôt que la salle de marché) montrait que lors des matchs, le nombre d’ordres chutait de près de 45% par rapport à la normale. Mieux, les auteurs du document ont démontré que chaque but faisait encore plonger de 5% le nombre d’échanges.
Mais tous les pays ne sont pas autant concernés par ses statistiques. Logiquement, l’Amérique Latine, région des Messi, Neymar et autres Marquez ont enregistré 65% de baisse de transactions par secondes et 77% des volumes par minute ! Mais l’Europe n’est pas en reste. La France avait observé une chute de 30% de l’activité boursière.
A l’inverse, les traders du Royaume-Uni, terre historique du football, se trouvaient loin derrière avec une baisse de « seulement » 23%. Au Danemark, le volume de transactions est même resté inchangé lors des matchs de l’équipe nationale. Reste à savoir si les traders danois étaient les plus concentrés ou les plus lucides sur le niveau de leur équipe…
Les cours de la bourse sont-ils indexés sur les performances sportives ?
Logiquement, on pourrait se demander si le fait que les traders soient plus concentrés à regarder les matchs plutôt que les cours de la bourse, n’influencerait pas ces cours. On imagine assez facilement qu’ils puissent rater des affaires alors qu’ils étaient afférés à suivre un match. Malheureusement, cette hypothèse est difficilement avérable.
En revanche, les chercheurs Alex Edmans, Diego Garcia et Øyvind Norli ont étudiés les comportements des marchés financiers lors de 1 162 matchs internationaux de 1973 à 2004. Ils concluent que la bourse d’un pays dégringolait lors d’une défaite de l’équipe nationale.
En plus de faire sourire, ces observations permettent de remettre en cause l’idée selon laquelle l’évolution des marchés est anticipable suivant des modèles rationnels. En 2012, Eric Valatini, trader pour une banque française établi en Asie, estimait que
Ces modèles partent du principe que les marchés sont efficients et rationnels à chaque instant et cette étude prouve que ce n’est pas le cas. [Or pendant les matchs, les traders ont tout] d’animaux décérébrés réunis dans un grand vestiaire sportif. »
L’édition 2018 de la Coupe de Monde devrait encore être plus intéressante. D’abord par le timing des rencontres qui est encore moins favorable que lors des éditions précédentes. Cette année, le premier match des phases de groupe à lieu à 11h, heure de New York, quand le second à lieu à 14h. Soit, exactement pendant l’ouverture de New York.
Sachant qu’en plus, les équipes préférées de traders, à savoir le Brésil et l’Allemagne, sont toujours en course et apparaissent comme des favoris pour le titre suprême, les postes de télés dans les salles de marchés devraient encore diffuser pendant quelques semaines.