Cet article a été initialement publié sur le site du syndicat: FO
Les organisations syndicales ont reçu le 16 mars la saisine rectificative du Conseil d’Etat concernant la loi travail. Loin du dossier de presse gouvernementale et des artifices de communication, le texte de la saisine montre qu’au delà de quelques reculs anecdotiques, certaines des évolutions proposées soulèvent de nouveaux risques pour les salariés.
L’écart entre l’affichage gouvernemental et la réalité de la nouvelle version du projet de loi commence à apparaître suite à l’envoi au Conseil d’Etat et aux confédérations syndicales de la saisine rectificative au texte de loi.
En effet, les modifications apportées au texte ont fait l’objet d’une vaste opération de communication visant à montrer la capacité de discussion – limitée il est vrai à certains « interlocuteurs privilégiés » semble – t – il – du gouvernement. Mais la fumée se dissipe suite à la publication du texte rectificatif.
Pas d’évolution sur les licenciements économiques
Les évolutions apportées au texte initial sont essentiellement cosmétiques. Par exemple concernant les licenciements économiques, la seule évolution du texte est un ajout qui demande aux juges de faire… ce qu’ils doivent déjà faire en matière de fraude. Le texte n’apporte donc aucune évolution sur ce point mais l’ajout d’une phrase permet au gouvernement de dire qu’il a évolué… pour ceux qui veulent bien faire semblant d’y croire ?
La hiérarchie des normes est toujours remise en cause
Dans le même sens, l’évolution concernant les champs d’application du référendum ne change rien à l’inversion de la hiérarchie des normes. La saisine rectificative précisant que les dispositions concernant le référendum : « s’appliquent à la date d’entrée en vigueur de la présente loi aux accords collectifs qui portent sur la durée du travail, les repos et les congés et aux accords mentionnés à l’article L. 2254-2 du code du travail ». Or la communication gouvernementale expliquait le 14 mars : « Cette nouvelle règle (ndrl : du référendum) sera appliquée dans un premier temps au chapitre relatif à la durée du travail. Elle sera ensuite progressivement étendue aux autres chapitres du code du travail au fur et à mesure des travaux de refonte prévus par le projet de loi. »
Cette affirmation est erronée. Dans la mesure où le texte de loi, en ouvrant le champ d’application à l’article L.2254-2, rend ces accords d’entreprises validés par référendum immédiatement applicables aux accords de préservation ou de développement de l’emploi, autant dire que ce référendum sera immédiatement applicable à tout accord !
Des branches qui ne serviraient plus à négocier mais à analyser la vie du secteur
La communication gouvernementale est également prise en défaut quand elle affirme que le texte de loi « renforce » les branches.
En effet le texte précise : « la négociation de branche vise à définir des garanties s’appliquant aux salariés employés par les entreprises d’un même secteur, d’un même métier ou d’une même forme d’activité et à réguler la concurrence entre les entreprises de ce champ ».
Mais il ne s’agit encore ici que d’un artifice.
En effet, dans la mesure où les accords d’entreprises permettront de déroger aux normes de la branche, la portée de ces accords de branche sera mécaniquement réduite. Par contre le texte de loi prévoit de mettre en place des commissions visant à exercer des « missions d’observatoire de branche ».
Suppression des plafonds des indemnités des prudhommes… mais aussi du plancher
L’évolution principale du texte concerne le barème des indemnités prud’homales qui deviendrait indicatif. Au passage cette évolution ne manquera pas de générer de nouveaux contentieux si l’indemnité attribuée s’éloigne de ce barème indicatif. En effet, « indicatif » est aussi « incitatif »… en attendant de redevenir obligatoire une fois la contestation sociale passée ?…
Mais, comme pour la première version du texte de loi, le plancher d’indemnisation disparaît. En effet, un licenciement sans cause ni réelle ni sérieuse entraîne automatiquement une indemnité, à la charge de l’employeur, pour le salarié lésé. Cette indemnité est aujourd’hui, au minimum, de six mois de salaire. C’est ce plancher qui, en l’état actuel du texte, faute de décrets d’application, disparaît.
A suivre
Pendant 48 heures, toutes les analyses sur ce nouveau texte étaient basées sur les outils de communication du gouvernement. La lecture attentive de la saisine rectificative montre que cette communication était – délibérément ? – parcellaire.
La rédaction de FO Hebdo continue l’analyse de ce texte et reviendra sur les autres modifications apportées au texte initial notamment concernant la suppression des 61 principes dits Badinter ou encore la question du mandatement dans les petites entreprises.