La loi généralisant la complémentaire santé est promulguée depuis deux ans déjà! Quelques décrets et circulaires plus tard, des points de droit restent encore sans réponse sur son applicaiton. BI&T vous propose d’en faire le tour, en l’entrecroisant avec la problématique des contrats responsables.
La fin des désignations existe-t-elle?
La loi a certes proscrit les désignations (par la volonté du Conseil Constitutionnel), mais elle a laissé ouvert le champ des possibles lorsqu’un accord de branche l’avait instaurée précédemment. Que faire en effet lorsqu’une branche ne renouvelle pas la désignation mais ne modifie pas l’accord existant? Les garanties obligatoires cessent-elles avec la désignation ou pas?
La question est évidemment loin d’être tranchée et constitue une véritable tentation, dans certaines branches, pour préserver au maximum le portefeuille du “désigné”. Elle est a en tout cas constitué un frein paradoxal à la négociation dans les branches où une désignation existe. Cet attentisme suscite des réactions très diverses sur le marché.
Dans la branche hôtels, cafés, restaurants (HCR), les partenaires sociaux ont clairement pris parti pour la préservation des intérêts du désigné en modifiant l’accord de façon préventive. Toutefois, le marché se pourlèche les babines à l’idée de prendre d’assaut les entreprises du secteur, y compris aux conditions imposées par Klesia.
Dans d’autres branches comme les professions de l’immobilier, certains assureurs ou courtiers ont concocté des offres spéciales pour coller aux minimums conventionnels.
On notera qu’un peu de transparence sur les négociations ajouterait à la qualité de la concurrence. Et on passe ici sous silence l’argument favori de Barthélémy selon lequel un accord non renégocié et non dénoncé maintient la désignation intacte. Personne n’y croit, mais…
Bénéficier de la période transitoire sur les contrats responsables?
Chacun connaît la mécanique compliquée qui permet de ne pas adapter immédiatement les garanties collectives aux règles du contrat responsable… jusqu’au 1er janvier 2018, tout en conservant les avantages fiscaux du dispositif.
Beaucoup se sont creusé les méninges pour savoir comment bénéficier de cette disposition tout en pratiquant quelques ajustements minimaux, notamment en matière de tarif. Tout le débat porte sur l’ampleur des modifications portées sur la décision unilatérale de l’employeur: un simple changement de tarifs suffit-il à affirmer que le régime est modifié et qu’il doit, par conséquent, intégrer une adaptation aux contrats responsables?
Sur ce point, les avis divergent fortement. Certains semblent avoir concocté des décisions unilatérales un tout petit peu antidatées (du 8 août 2014 par exemple) avec des rédactions très sommaires permettant des évolutions du contrat sans toucher au “régime”.
BI&T ne recommande pas chaudement cette pratique.
Quel doit être le financement de l’employeur?
La loi sur la sécurisation de l’emploi prévoit un financement de l’employeur à 50% sur le panier ANI. Oui, mais alors… si le régime est plus favorable que le panier minimum ANI, quelle doit être la part de financement de l’employeur sur le “delta”?
Beaucoup d’assureurs ont d’ores et déjà répondu à cette question en proposant un socle ANI responsable financé à 50% par l’employeur, et une surcomplémentaire responsable (donc obligatoire) financée à moins de 50% par l’employeur. Cette solution (compréhensible, mais qui laisse planer des ombres sur l’ambiance de négociation dans certaines entreprises) ne résout pas totalement la question. En effet, certains salariés peuvent avoir une vraie réticence à bénéficier de deux contrats au lieu d’un, et il reste plus commode d’instaurer une disposition facultative sur le contrat surcomplémentaire, qui ne répond plus au caractère obligatoire des contrats responsables.
Les remboursements optiques toujours en question
Le décret sur les contrats responsables a bien précisé la périodicité sur les remboursements optiques. Mais il ne dit rien sur l’antisélection et les comportements de passagers clandestins. Par exemple, si un assuré “consomme” une monture de lunettes juste avant la dénonciation d’un contrat, rien n’empêche qu’il puisse bénéficier d’une nouvelle monture dès la conclusion du nouveau contrat. Cette stratégie extrême constitue toutefois un motif de “soupçon” dans les contrats des TPE. Rien n’empêche un dirigeant d’y organiser une rotation des contrats pour pratiquer de l’antisélection.
Ce point risque d’être rendu très sensible par le dumping qui existe dans une partie du marché. Les assurés qui verront leurs tarifs augmenter fortement peu de temps après la conclusion de leur contrat risquent en effet d’être tentés par des résiliations fréquentes.
Comment gérer plusieurs conventions collectives dans une même entreprise?
Toutes ces questions coexistent avec la difficulté traditionnelle, toujours sans réponse, de la coexistence de plusieurs conventions collectives avec des régimes différents dans une seule entreprise. La loi prévoit que l’entreprise doit mettre en place un seul régime pour la totalité des salariés. Comment faire quand deux minima conventionnels s’appliquent?
La tradition veut que l’harmonisation se fasse par le “haut”. Mais on n’est probablement pas au bout du sujet.